Pause méridienne (Le train sifflera trois fois de F.Zinnemann)

Publié le par O.facquet

 

lien : http://www.youtube.com/watch?v=HvxIjrlGOEU

Comme le temps passe. Un jouvenceau avouait récemment devant un parterre d’adultes grisonnants médusés, n’avoir jamais entendu prononcer le mot western. Comment ? Quoi ? John Ford, James Stewart, La rivière sans retour, Howard Hawks, Rio Bravo, Dean Martin, Lee Van Cleef, La Prisonnière du désert, L'Homme qui tua Liberty Valence, Clint Eastwood,  La captive aux yeux clairs, Impitoyable, John Wayne, Open Range, Richard Widmark, Danse avec les loups, Henry Fonda, Kevin Costner, Sergio Leone,  Il était une fois dans l’ouest, la liste n’étant pas exhaustive, ça ne te dit rien mon gars ? Non, désolé, rien du tout, Costner, Eastwood, peut-être... Reprendre en conséquence son bâton de pèlerin, au risque de passer pour un cuistre radoteur. Laisser de côté les généralités sur le genre, faire un focus sur une de ses œuvres majeurs : High Noon (Le train sifflera trois fois) de Fred Zinnemann, sorti en France en 1952. D’une perle intemporelle, tenter de montrer l’infinie beauté inoxydable du trésor. Démarche métonymique sans prétention à l’usage des jeunes générations. Le devoir d’un passeur (un beau mot comme disait Serge Daney).

Le titre original du western de Zinnemann joue sur le double sens de l’expression High noon. Au sens propre elle signifie midi, mais au sens figuré elle désigne l’heure de vérité. A la suite du film, to be high noon est devenue une expression qui signifie en anglais être seul avec de gros problèmes.

Will Kane (Gary Cooper) a été pendant quelques années le shérif de Hadleyville dans le Nouveau Mexique. Il a rétabli l’ordre. La tranquillité règne. La vie est paisible. Un dimanche estival à dix heures trente du matin, il épouse la jeune et jolie Amy (Grace Kelly), une quaker (branche baba-cool du protestantisme nord-américain), avec laquelle il doit partir dans le but d’ouvrir un magasin dans une bourgade voisine. Il va devoir rendre son étoile le soir même. Patatras. La cérémonie est à peine terminée, le mariage pas encore consommée, que Kane apprend l’imminente arrivée revancharde d’un truand qu’il a jadis envoyé en prison pour cinq ans, Franck Miller, attendu à la gare d’Hadleyville par trois complice patibulaires (mais presque) : ça va chauffer. Miller doit arriver par le train de midi. Amy et Kane quittent la ville sans mot dire. Soudain, Kane fait demi-tour. Malgré les supplications de sa femme, il décide de rester et cherche à recruter des hommes pour affronter ce quarteron dévoyé. En vain. Il va devoir affronter seul le quatuor vengeur, aux yeux de tous. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur Le Train sifflera trois fois depuis plus d’un demi-siècle, entre autres :

-Le western est composé de trois éléments visuels récurrents : le plan fixe sur la voie ferrée –la menace qui vient-, le parcours entêté du shérif, les horloges de plus en plus grosses au fil du film : la menace se rapproche inexorablement.

-La construction formelle du film est calquée sur le déroulement d’une pièce classique respectant la règle des trois unités : de lieu, de temps et d’action (85 minutes).

- High noon est tourné en noir et blanc, d’autres éléments le distinguent des autres westerns de l’époque, une bande son dépouillée, une image sobre, la présence remarquée d’une femme d’affaires mexicaine, Helen Ramirez (Katy Jurado), par exemple. La solitude de Kane est illustrée par un jeu d’ombres saturées et de cadrages étroits. Ses allers et retours obtus accompagnés d’une ritournelle entêtante, créent une tension particulièrement forte.

-Le film serait un brûlot contre le maccarthysme, l’attitude méprisable des habitants de la ville, le reflet de celles des professionnels du cinéma américain qui dénoncent leurs collègues. Après la sortie du film, le scénariste Carl Foreman est d’ailleurs placé sur la liste noire des artistes anti-américains. A voir.

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Quelque peu boudé par la critique, qui lui préfère encore Rio Bravo High Noon est un film culte qui nous regarde vieillir sans prendre une ride (le péremptoire Frédéric Bonneau, dans son édito des Inrockuptibles de cette semaine écrit : "Le Train sifflera trois fois, assez mauvais western mais excellent souvenir d'enfance"). High Noon a marqué bien des esprits et continue de toucher bien des spectateurs des années après sa sortie. Une piste ? Osons ceci : qui n’a pas fait un jour l’amer constat de ne pas avoir été suivi et soutenu comme il l’aurait espéré dans un combat jugé noble et/ou lors de la défense d’une juste cause ? Un truc qui revient de loin, donc. Le shérif Will Kane ne doit seulement faire face à quatre voyous de la pire espèce, son plus dure combat il le mène contre la lâcheté de la masse vile et veule qui se dérobe et refuse de lui venir en aide. Gageons que cette couardise bavarde érigée en art de vivre marque d’une manière indélébile ceux qui découvrent High Noon, et ne s’en remettront pas. Voyez ce plan : Will Kane est seul sur la place centrale, la caméra prend de l’altitude, un panoramique en plongée montre toute la solitude courageuse et déterminée du personnage. Quelques secondes après il est filmé en contre-plongée, ce qui renforce l’expression de son profond isolement dans son impossible quête. C’est ce caractère pessimiste, voire misanthropique du film, qui doit gêner ceux qui ne l’apprécie guère (voir le montage accéléré à la toute fin de High Noon, qui fait défiler les visages de tous les dégonflés, bouffis de honte). Zinnemann ne ménage personne. Chacun en prend pour son grade : la justice du Nord jugée trop laxiste est maintes fois dénoncée. Zinnemann, un réac ? Will Kane débarque à l’église pendant l’office : il tombe sur les marchands du temple. Les édiles se défilent sans honneur. Chacun a une bonne excuse pour se défiler. Les uns et les autres sont aussi abjects que bons causeurs. Rien de nouveau sous le soleil. Sa femme se rattrape in extremis : les sentiments l’emportent sur le devoir, ici religieux et moraux, puisqu’elle sauve son mari de la mort en usant d’une arme à feu. Will Kane n’est pas comme on le dit parfois un héros nietzschéen : il ne rejette pas la morale, il l’a rétablie au contraire, et défend les vertus traditionnelles de son pays, tout en refusant d’adhérer au chaos du monde. Et s’il donne du style à son caractère, il le doit au metteur en scène. Will Kane incarne simplement l'honneur et la dignité dans une vie en société.

Will kane se débarrasse de sa bonne étoile

 

Seul un jeune garçon de quatorze ans se montre dans la bourgade à la hauteur : il est fier d’apporter au couple le charriot qui va les emmener loin de ce cauchemar éveillé. Une fois le gang mis hors d’état de nuire, Will Kane prend soin de sa moitié, puis jette son étoile dans la poussière devant un lot avarié de résistants agités de la dernière heure. Amy et Kane partent sans demander leur reste. Nul ne les blâmera. Voici soixante ans que ça dure. High Noon est une glorification du courage individuelle, en creux, une dénonciation de la bassesse des majorités silencieuses. On peut trouver le propos excessif, reconnaissons toutefois qu’il ne manque pas de panache.

 

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La conjuration des froussards dans la Maison de Dieu

 

  

 

Comme le temps passe. Un jouvenceau avouait récemment devant un parterre d’adultes grisonnants médusés, n’avoir jamais entendu prononcer le mot western. Comment ? Quoi ? John Ford, James Stewart, La rivière sans retour, Howard Hawks, Rio Bravo, Dean Martin, Lee Van Cleef, La Prisonnière du désert, Clint Eastwood,  La captive aux yeux clairs, Impitoyable, John Wayne, Open Range, Richard Widmark, Danse avec les loups, Henry Fonda, Kevin Costner, Sergio Leon,  Il était une fois dans l’ouest, la liste n’étant pas exhaustive, ça ne te dit rien mon gars ? Non, désolé, rien du tout, Costner, Eastwwod, peut-être... Reprendre en conséquence son bâton de pèlerin, au risque de passer pour un cuistre radoteur. Laisser de côté les généralités sur le genre, faire un focus sur une de ses œuvres majeurs : High Noon (Le train sifflera trois fois) de Fred Zinnemann, sorti en France en 1952. D’une perle intemporelle, tenter de montrer l’infinie beauté inoxydable du trésor. Démarche métonymique sans prétention à l’usage des jeunes générations. Le devoir d’un passeur (un beau mot comme disait Serge Daney).

Le titre original du western de Zinnemann joue sur le double sens de l’expression High noon. Au sens propre elle signifie midi, mais au sens figuré elle désigne l’heure de vérité. A la suite du film, to be high noon est devenue une expression qui signifie en anglais être seul avec de gros problèmes.

Will Kane (Gary Cooper) a été pendant quelques années le shérif de Hadleyville dans le Nouveau Mexique. Il a rétabli l’ordre. La tranquillité règne. La vie est paisible. Un dimanche estival à dix heures trente du matin, il épouse la jeune et jolie Amy (Grace Kelly), une quaker (branche baba-cool du protestantisme nord-américain), avec laquelle il doit partir dans le but d’ouvrir un magasin dans une bourgade voisine. Il va devoir rendre son étoile le soir même. Patatras. La cérémonie est à peine terminée, le mariage pas encore consommée, que Kane apprend l’imminente arrivée revancharde d’un truand qu’il a jadis envoyé en prison pour cinq ans, Franck Miller, attendu à la gare d’Hadleyville par trois complice patibulaires (mais presque) : ça va chauffer. Miller doit arriver par le train de midi. Amy et Kane quittent la ville sans mot dire. Soudain, Kane fait demi-tour. Malgré les supplications de sa femme, il décide de rester et cherche à recruter des hommes pour affronter ce quarteron dévoyé. En vain. Il va devoir affronter seul le quatuor vengeur, aux yeux de tous. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur Le Train sifflera trois fois depuis plus d’un demi-siècle, entre autres :

-Le western est composé de trois éléments visuels récurrents : le plan fixe sur la voie ferrée –la menace qui vient-, le parcours entêté du shérif, les horloges de plus en plus grosses au fil du film : la menace se rapproche inexorablement.

-La construction formelle du film est calquée sur le déroulement d’une pièce classique respectant la règle des trois unités : de lieu, de temps et d’action (85 minutes).

- High noon est tourné en noir et blanc, d’autres éléments le distinguent des autres westerns de l’époque, une bande son dépouillée, une image sobre, la présence remarquée d’une femme d’affaires mexicaine, Helen Ramirez (Katy Jurado), par exemple. La solitude de Kane est illustrée par un jeu d’ombres saturées et de cadrages étroits. Ses allers et retours obtus accompagnés d’une ritournelle entêtante, créent une tension particulièrement forte.

-Le film serait un brûlot contre le maccarthysme, l’attitude méprisable des habitants de la ville, le reflet de celles des professionnels du cinéma américain qui dénoncent leurs collègues. Après la sortie du film, le scénariste Carl Foreman est d’ailleurs placé sur la liste noire des artistes anti-américains. A voir.

Quelque peu boudé par la critique, qui lui préfère encore Rio Bravo, High Noon est un film culte qui nous regarde vieillir sans prendre une ride. Il a marqué bien des esprits et continue de toucher bien des spectateurs des années après sa sortie. Une piste ? Osons ceci : qui n’a pas fait un jour l’amer constat de ne pas avoir été suivi et soutenu comme il l’aurait espéré dans un combat jugé noble et/ou lors de la défense d’une juste cause ? Un truc qui revient de loin, donc. Le shérif Will Kane ne doit seulement faire face à quatre voyous de la pire espèce, son plus dure combat il le mène contre la lâcheté de la masse vile et veule qui se dérobe et refuse de lui venir en aide. Gageons que cette couardise bavarde érigée en art de vivre marque d’une manière indélébile ceux qui découvrent High Noon, et ne s’en remettront pas. Voyez ce plan : Will Kane est seul sur la place centrale, la caméra prend de l’altitude, un panoramique en plongée montre toute la solitude courageuse et déterminée du personnage. Quelques secondes après il est filmé en contre-plongée, ce qui renforce l’expression de son profond isolement dans son impossible quête. C’est ce caractère pessimiste, voire misanthropique du film, qui doit gêner ceux qui ne l’apprécie guère (voir le montage accéléré à la toute fin de High Noon, qui fait défiler les visages de tous les dégonflés, bouffis de honte). Zinnemann ne ménage personne. Chacun en prend pour son grade : la justice du Nord jugée trop laxiste est maintes fois dénoncée. Zinnemann, un réac ? Will Kane débarque à l’église pendant l’office : il tombe sur les marchands du temple. Les édiles se défilent sans honneur. Chacun a une bonne excuse pour se défiler. Les uns et les autres sont aussi abjects que bons causeurs. Rien de nouveau sous le soleil. Sa femme se rattrape in extremis : les sentiments l’emportent sur le devoir, ici religieux et moraux, puisqu’elle sauve son mari de la mort en usant d’une arme à feu. Will Kane n’est pas comme on le dit parfois un héros nietzschéen : il ne rejette pas la morale, il l’a rétablie au contraire, et défend les vertus traditionnelles de son pays, tout en refusant d’adhérer au chaos du monde. Et s’il donne du style à son caractère, il le doit au metteur en scène.

Seul un jeune garçon de quatorze ans se montre dans la bourgade à la hauteur : il est fier d’apporter au couple le charriot qui va les emmener loin de ce cauchemar éveillé. Une fois le gang mis hors d’état de nuire, Will Kane prend soin de sa moitié, puis jette son étoile dans la poussière devant un lot avarié de résistants agités de la dernière heure. Amy et Kane partent sans demander leur reste. Nul ne les blâmera. Voici soixante ans que ça dure. High Noon est une glorification du courage individuelle, en creux, une dénonciation de la couardise des majorités silencieuses. On peut trouver le propos excessif, reconnaissons toutefois qu’il ne manque pas de panache.

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Publié dans pickachu

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