En attendant mai (Diabolo menthe de Diane Kurys)

Publié le par O.facquet

Frédérique et Anne

 

lien band-annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19376402&cfilm=4419.html

 

Diabolo menthe est un film de Diane Kurys, son premier, sorti en 1977. Suivront Coup de foudre (1983), La Baule-les-Pins (1990) ou Sagan (2008). Il a obtenu le prix Louis Delluc la même année. La cinéaste revient sur son adolescence au cœur des sixties, un retour sur les années de lycée. Diabolo menthe est un des premiers teenmovies ancrés dans les années soixante, comme l'a été American graffiti (1973) de George Lucas aux Etats-Unis. La rentrée scolaire 1963. Anne (Eléonor Klarwein) et Frédérique Weber (Odile Michel), âgées respectivement de 13 et 15 ans, reprennent les cours -nous en étions tous amoureux. Que sont-elles devenues ? Elles vivent avec leur mère (Anouk Frejac, très bien) : les parents sont divorcés (ce n'est pas courant à l'époque). La mixité n'est pas encore de mise et l'uniforme est de rigueur. Diabolo menthe mêle avec un rare bonheur la grande et la petite histoire. Anne et Frédérique vont être confrontées a une double évolution : la leur et celle du monde. L'année scolaire est rythmée par les émois amoureux des jeunes filles, par les névroses de professeurs d'un autre temps (la professeur de gymnastique en manteau de fourrure, l'excellente Dora Doll), les premiers engagements politiques, sur fond de Salut les Copains et de vacances passées avec papa au bord de la mer dans le Calvados (pas de coups de soleil) ou dans les Alpes l'hiver. Pourquoi cette comédie qui a tant ému toute une génération a-t-elle longtemps été snobée par la cinéphilie consciencieuse ? Mystère. Le film vaut le détour. Une œuvre tout à la fois fine et touchante. Le propos n'est jamais démago, le montage subtile, les acteurs impeccables, c'est drôle souvent, dramatique quelquefois, la musique et les paroles d'Ives Simon inscrites dans les mémoires.

Pascale

 

Il est impossible d'oublier le poignant témoignage en classe de la jeune Pascale (Corinne Dacla, que dire ?). Du balcon, en compagnie de son père, elle a assisté à la charge meurtrière de la police Boulevard Voltaire au métro Charonne le 8 février 1962. Il s'agissait de dénoncer les exactions de l'OAS. Plusieurs manifestants perdent la vie ce jour-là. Le préfet de police s'appelait Maurice Papon. Les funérailles quelques jours plus tard au cimetière du Père-Lachaise marquent les esprits. Le témoignage de la jeune lycéenne est d'une rare puissance. L'émotion qui s'en dégage, toute en retenue, est un grand moment de cinéma. La sonnerie retentit. Ses camarades sortent de la classe, certaines émues plus qu'à leur tour. L'élève et son professeur se jettent un regard appuyé qui en dit plus qu'un long discours. C'est une des forces de Diabolo menthe que ces irruptions soudaines de la grande Histoire dans le quotidien déjà bien encombré des personnages. Frédérique, sa mère et son copain du moment jouent aux cartes dans le salon de l'appartement parisien. Anne arrivée de nulle part lance aux sien que John Kennedy vient d'être assassiné, l'assistance interdite retient son souffle, avant que rapidement sa sœur lui lance : «Menteuse !». Sans coup férir nous nous retrouvons dans un cours de français. L'enseignante ne parvient pas à retenir ses larmes. Le texte de Bossuet qu'elle vient d'écrire au tableau en dit plus long à son tour que bien des dialogues superfétatoires. Pas d'images d'archives. Aucun journaliste pour commenter l'événement bigger than life. Des scènes inoubliables. La surveillante générale accompagne une nouvelle élève en classe. Elle lui demande d'où elle vient. «D'Oran» répond la lycéenne. «Sûrement un établissement privé » jette l'adulte. Arrivée à destination, elle est accueille par une prof à l'accent bien marqué. Apprenant ses origines, elle l'invite avec beaucoup de gentillesse à aller s'asseoir au fond de la salle de cours. L'actrice s'appelle Marthe Villalonga. La solidarité entre rapatriés d'Algérie. La caméra enregistre en passant quelques slogans ou inscriptions muraux, OAS=SS, la faucille et la marteau, les noms de politiques de l'époque, entre autres. La prof de dessin humilie une de ses élèves qui a osé venir maquillée en cours. La vente de badges peace & love dans les vestiaires du gymnase et la colère subséquente de la surveillante générale vaut son pesant de cacahuètes. A la sortie du lycée, Frédérique, flanquée de quelques amis, distribue des tracts pour défendre la paix dans le monde (au service du PCF, un parti ô combien pacifiste...), quelques extrémistes de droite de la jeunesse dorée levée à l'aube les agressent violemment, la jeune fille subit des insultes antisémites (Weber...) et le gardien du lycée s'écrie : «On vous a dit de ne pas faire de politique au lycée, surtout pas les filles». La surveillante générale, personnage haut en couleur, se fait envoyer bouler dans la cour centrale par une lycéenne récalcitrante au son d'un merde ! Merde ! Merde ! Merde ! mémorable.Toute une époque. Diabolo menthe, une chronique douce-amère de l'adolescence, de ses joies et des terrifiants pépins de la réalité (Prévert), sur fond de décolonisation, de bouleversements sociétaux et de guerre froide. On l'aime toujours autant ce film (plus engagé, et encore, que militant). Il nous regarde vieillir avec bienveillance.

 

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La prof de dessin

Publié dans pickachu

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