Terres promises (Noce en Galilée de M.Khleifi, 1987)

Publié le par O.facquet

 

 

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Souvenirs souvenir. Vingt-cinq ans à attendre le retour de Noce en Galilée (1987, année de production), le très bon film de Michel Khleifi, cinéaste chrétien palestinien né à Nazareth. Nous sommes en 1988, dans un cinéma de la bonne ville de Tours. Un choc. Merci aux Films du Paradoxe de permettre aujourd’hui à tous ceux que le film avait marqués jadis d’entreprendre ce bond en arrière pour aller de l’avant, comme souvent, n’est-ce pas Régis Debray. L’œil dans le rétroviseur pour avancer mieux. A la fin des années 1980, le Moukhtar, chef d’un village arabe de Galilée, demande au gouverneur israélien de lever le couvre-feu afin de marier son fils aîné dans les règles de l’art locales. Il commence par refuser, furieux contre l’ingratitude des Palestiniens, rétifs à l’occupation militaire de la région. Un jeune soldat propose à son supérieur une sortie par le haut : se faire inviter à la cérémonie. Des invités d'honneur. L’accord est conclu. Le Moukhtar va devoir l’expliquer et le défendre dans son village. Les réactions sont électriques. Les uns parlent de compromission inacceptable avec l’occupant, d’autres sont plus ouverts au compromis, quelques jeunes préparent déjà la riposte armée. Les oppositions et les contradictions s’exacerbent au sein de la communauté même. Le mariage a finalement lieu. Les autorités militaires sont bien présentes aux agapes. La fête bat son plein, les rites présentés lors de la cérémonie sont empruntés aussi bien aux coutumes musulmanes qu’aux coutumes chrétiennes palestiniennes ; l’ambiance est toutefois tendue. Tout ce petit monde s’agite, comme dans la dernière demi-heure de La Règle du Jeu de Jean Renoir. Les anciens interpellent les militaires via des plaisanteries bien senties. Ils ne sont pas à la noce. Quelques  jeunes filles palestiniennes cherchent à séduire un beau sous-officier israélien ombrageux. Une soldate de Tsahal fait un malaise : elle est prise en mains avec tendresse et sensualité par un quarteron de femmes au petit soin, un bel exemple d’érotisme oriental, d’altruisme et de tolérance. Il y a à cet égard cette belle scène où la jeune femme-soldat israélienne quitte son uniforme et se laisse revêtir d’une longue robe palestinienne colorée. Des activistes s’efforcent en vain de mettre au point un attentat meurtrier contre les intrus : les notables souhaitent éviter tout incident ; ça bouge dans tous les sens. Le film montre bien ce que peuvent être les rapports entre occupants et occupés dans les territoires conquis par Israël en 1967 après la guerre des Six jours gagnée comme en 1949 contre une coalition d’Etats arabes régionaux (l'Etat hébreu triple sa superficie : l'Egypte perd la bande de Gaza et la péninsule su Sinaï ; la Syrie, le plateau du Golan ; la Jordanie, la Cisjordanie et, plus symboliquement encore, Jérusalem-Est). La place de la religion est encore marginale dans les 1980. Pas de barbus éructant, nul appel au djihad. Le message politique du film est feutré. Les militaires israéliens tentent de récupérer un pur-sang qui s’est sauvé, puis égaré sur un terrain miné, pendant la noce. Un coup de main à l’ennemi. Ils s’y rendent avec leurs gros sabots. L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Seul son maître, le Moukhtar, peut ramener le cheval sain et sauf, en l’appelant avec douceur, du geste et de la voix. Belle métaphore. Le fils et son épouse se retrouvent quant à eux pour consumer leur union dans une chambre préparée à cet effet. Du spontané. Les invités veulent voir un drap souillé, sinon rien.

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Le jeune homme, remonté contre son père, est réduit à l’impuissance, au sens littéral et physique de ce terme. Il lui faut tuer le père, pour que sa promise devienne un jour une mère. Pour sauver son mari du déshonneur, la jeune mariée se déflore elle-même afin que le sang macule le drap. Les pères ont failli depuis 1948, dépossédant les fils de leur virilité, dans une civilisation où l’honneur des femmes se réduit entre autres à la préservation de leur virginité et l’honneur masculin à la direction presque exclusive des affaires publiques. De la frustration en barre, de l’humiliation, donc. En outre, un mariage a pour objet la réunion de choses ou de personnages qui se conviennent, il a pour ambition de les assortir. Dans Noce en Galilée, difficile de concevoir un possible assortiment palestino-israélien, judéo-arabe. La situation est bloquée, le désespoir est roi. Les dernières minutes de Noce en Galilée sont sans ambiguïté. Nul espoir, en conséquence ? Non, bien au contraire. En 2004, le romancier, essayiste et journaliste israélien Amos Oz, a écrit Aidez-nous à divorcer ! Aidons-les, non ? Des voisins paisibles et respectueux, plutôt qu’un couple orageux pétri de haine, de regrets et de ressentiments. Nous en sommes là aujourd’hui encore. Juste un mot sur la beauté des paysages de cette terre de Galilée. Ce massif rocailleux parsemé d’espaces verts au nord d’Israël, une invitation à la méditation. Salam/Shalom. Lé chana ha baa birouchalayim.

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Publié dans pickachu

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