Santé du cinéma israélo-palestinien

Publié le par O.facquet

 

 

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La sortie du Policier du cinéaste israélien Nadav Lapid (réalisateur en 2011 du puissant Infiltration) et de Derniers jours à Jérusalem du Palestinien Tawfik Abu Wael était attendue avec fébrilité par les inconditionnels du cinéma de la région.

Première remarque : c'est mal connaître le cinéma israélien que d'en faire le simple miroir du conflit qui oppose l'Etat hébreu à ses ennemis depuis 1948. Cadeau du Ciel, entre autres, de Dover Kosashvili, pour prendre un film récent, n'aborde pas ce thème, il en embrasse mille à la fois. Force est surtout de constater la vitalité, la force, la diversité et la qualité de la production cinématographique israélo-palestinienne.

Le Policier n'est pas une allégorie de la société israélienne et de ses maux. Il dit bien sûr quelque chose du pays, mais pas seulement. Son propos est universel, comme tout oeuvre d'art. Il parle à tout un chacun, faisant fi des frontières et des langues. Le film progresse en trois temps, le dernier fait la synthèse funeste des deux premiers. Par paresse ou négligence, nombre de commentateurs ont comparé la première partie à de la testostérone en barre. Cette unité d'élite de la police israélienne n'est pas composée d'enfants de coeur. Soit. Reconnaissons que la profession, à Tel Aviv comme à Charleville-Mézières, est rarement exercée par des enfants de coeur tout droit sortis du monde des Bisounours. Cette première étape marie au contraire pudeur, solidaridé, amitié, confusions des sentiments, sensibilité, violence, désirs, pulsions, incertitudes, amour, complexité, le tout dans le désordre, comme dans la vie, avec équilibre et justesse. La mise en scène et les acteurs, parfaits, reflètent la richesse de ce moment de grâce cinématographique.

La deuxième partie suit le même chemin. De jeunes apprentis révolutionnaires d'extrême gauche, plus paumés que convaincus, s'invitent violemment dans un mariage rupin pour révéler au monde les inégalités de richesse entre les classes sociales dans nos sociétés libérales avancées. Nadav Lipid ne les prend pas de haut. C'est avec tendresse et une juste distance qu'il les suit, les observe, cherche à comprendre sans prendre parti, les regarde enfin se perdre inutilement. La direction d'acteurs est exemplaire. Il faudrait les nommer un par un, tant les visages, les mots, les faits et gestes de chacun, s'imposent avec une rare évidence. Synthèse : l'unité de police antiterroriste met fin dans le sang à l'équipée des jeunes indignés. Il faut voir le regard insondable d'un des policiers, les yeux droits dans ceux -d'un bleu troublant- de la jeune révoltée aux portes de la mort, interdit devant la lente agonie de l'innocence. C'est bien d'autre chose que de virilité qu'il est ici question, non ?

Derniers jours à Jérusalem, donc. Réalisé à l'aide de fonds publics israéliens. Le cinéaste palestinien Tawfik Abu Wael est irréductible à la simple fonction de porte parole d'une cause, aussi noble soit-elle. Nour et Iyad longent dans un taxi le mur dit de sécurité. Un mur qui symbolyse moins ici la séparation de deux peuples que l'incommucabilité amoureuse. Derniers jours à Jérusalem : deux errances existentielles distinctes. Identification d'un couple pathologique. Malaise sentimental dans la bougeoisie intellectuelle palestinienne. Tawfik Abu Wael met en images le contact urticant de deux épidermes, de deux névroses affamées. De Jérusalem à Paris. Même le checkpoint israélien perd de sa force politique au profit d'un élément scénaristique déterminant, puisqu'il permet au film de bifurquer pour donner naissance à un couple. 

Les deux cinéastes sont parvenus à s'extraire des réalités géopolitiques moyen-orientales, sans pour autant totalement les ignorer. Subtil équilibre. Indiscutables réussites. Une belle preuve d'indépendance et intellectuelle et artistique. Ce qui n'était pas gagné d'avance au regard du contexte tendu que tout le monde connaît. Ces gens-là sont fait pour vivre un jour en paix.  

 

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Publié dans pickachu

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