Silverado de L.Kasdan, 1985 (actualité du western).

Publié le par O.facquet

Silverado - film 1985 - AlloCiné

"Le monde est ce qu'on en fait, mon ami, s'il ne convient pas, il faut savoir le retailler"

Stella (Linda Hunt)

 

Outre la mise sur orbite cinématographique d'un acteur de talent -Kevin Costner-, Silverado de Lauwrence Kasdan, sorti en 1985, marque le retour inespéré du western classique, un genre revisité dans les années soixante et soixante-dix, tantôt par des cinéastes européens (Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone en 1968), tantôt par le nouveau cinéma américain (Jeremiah Johnson de Sydney Pollack en 1972).

 

Kevin Costner Recalls Breakthrough Role in Silverado - Cowboys and Indians  Magazine

Kevin Costner

 

Tout a été dit sur ce genre cinématographique constitué de films sur la glorification de la conquête de l'Ouest par les Américains, et la maîtrise de ce territoire qui en découle. Le western est une œuvre de fiction mouvementée, dramatisée et romancée souvent à l'aide de formes simples : l'élément caractéristique du genre est le manichéisme exacerbé avec lequel est dépeint l'Ouest, voyez le schéma général des bons et des méchants qu'il véhicule invariablement (ou presque). Les figures imposées du western sont connues : outre le saloon, les séquences de chariots traînés à fond de train, les scènes de grands décors en plein air, avec ses chevauchées émaillées de fusillades haletantes, et autres poursuites infernales, qui visent toutes à tenir en haleine un spectateur qui toujours en redemande. Les Indiens (juste entraperçus dans Silverado) et les Noirs (des exceptions) en sont fréquemment les grands absents, voire les victimes.

 

Silverado

 

Toutefois Silverado innove, ce qui en fait un film de son temps, puisque parmi les quatre héros qui sont au cœur du récit, un Afro-américain s'impose crânement : Danny Glover dans le rôle de Malachi mal Johnson. Celui-ci cherche à se venger de l'assassinat de ses parents, un des thèmes récurrents du genre, comme la famille l'est du cinéma américain. Rosanna Arquette (hannah) campe une jeune femme libre et indépendante, loin des femmes soumises qui faisaient de la figuration jadis à l'Ouest du Pecos, bien que sa place dans le récit soit ici pour le moins périphérique. Un film plus phallocrate que misogyne, tout compte fait. Un film d'hommes de tous âges.

 

BONUS WESTERN MOVIE REVIEW: Silverado (1985) - Running Wild Films

 

Quatre aventuriers devenus amis au fil des péripéties, malgré des tempéraments dépareillés, s'unissent pour défendre une petite ville de l'Ouest contre les abus d'un riche propriétaire sans scrupule. Bref, nous sommes bien au cœur d'un western qui rejoue globalement l'épopée classique du genre, le duel final -plutôt sobre- en témoigne (voir ci-dessous). Un exercice cathartique. La question du destin national est au centre du film, un récit des origines, et le cinéma est une nouvelle fois le médium cardinal de la construction de l'identité nationale américaine.

 

Silverado (film) - Alchetron, The Free Social Encyclopedia

 

Il s'agit de nouveau de civiliser l'Ouest, de dénoncer l'absence de lois justes, de combattre l'injustice, ceux qui s'emparent du pouvoir à leur seul profit, dans l'iniquité la plus totale, en faisant régner sinon la mort, du moins la terreur alentour. C'est le combat héroïque que mène le jeune diplômé en droit Ransom Stoddard (James Stewart) dans L'Homme qui tua Liberty Valence de John Ford, sorti en 1962.

 

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Le western est de surcroît l'expression d'un existentialisme le plus échevelé. Pas d'essentialisme dans Silverado. Une liberté totale règne, laquelle peut permettre le rachat de tout un chacun, pourquoi pas sa rédemption, d'où qu'il vienne, n'importe ce qu'il fut, même le plus redoutable des voyous, la plus dangereuse gâchette à l'Ouest du Mississipi, et nos quatre héros reviennent en effet de loin, de très loin même, pourtant ils ont un jour choisi de faire le bien, de rompre avec les forces du mal, donc de défendre la veuve et l'orphelin (surtout la veuve dans Silverado), en somme de se faire les défenseurs acharnés de la justice ici-bas. Un portrait en creux des États-Unis d'Amérique ? Certainement. D'aucuns ont parlé parfois d'une forme de propagande déguisée. En tout cas, une marque de fabrique.

 

Silverado (1985) - Once Upon a Time in a Western

Hannah (Rosanna Arquette)

 

Toujours aller de l'avant quand on revient de loin, c'est-à-dire d'un passé qu'on voudrait oublier, refouler. Le credo fondateur de cette jeune nation. Le pionnier mène d'abord son existence, et son essence n'apparaîtra qu'à la fin de sa vie. Le pionnier se choisit, il se fait lui-même, une indétermination totale : l'Ouest est le territoire de tous les possibles, recommencer sa vie, repartir de zéro, autant que faire se peut, s'inventer un nouveau destin, se délester d'un passé dépassé, se délecter de la page blanche. Le pionnier de l'Ouest américain n'est rien d'autre que ce qu'il fait. Il est impossible de le définir ou de le déterminer au préalable. Oui, Silverado, à l'instar de très nombreux westerns, est un film existentialiste, indéniablement, à sa façon, bien entendu. Un Nouveau monde : une vie nouvelle. S'inventer son propre destin, se vouloir souverain de son sort. C'est une renaissance laïque : aucun prêtre, nul pasteur à l'horizon.

 

Silverado - 1985 Western Film

 

Le film doit également beaucoup à sa distribution. Outre Rosanna Arquette, Danny Glover et Kevin Kostner (en ahuri hébété), Kevin Kline (Paden le séducteur), Scott Glenn (Emmett le sage), Linda Hunt (d'une inquiétante étrangeté), Jeff Golblum (plus tard dans La Mouche de Cronenberg) ou Brian Dennehy (déjà dans le rôle d'un shérif détestable dans le premier Rambo) forment une troupe tout à fait assortie, Ils donnent toute sa force à un western qu'on aurait tord de négliger, voire de mépriser (un classicisme supposément démodé).

 

Silverado - Grit

 

Clint Eatswood, la même année, avec Pale Rider, le cavalier solitaire, s'attaque de nouveau au genre (mais le cavalier solitaire et taciturne s'éloigne par trop du héros traditionnel), il remet le couvert en 1992, avec Impitoyable (Unforgiven), un western dit crépusculaire, sans doute parce qu'il y chahute les mythes qui ont forgé l'épopée du grand Ouest.

 

Impitoyable de Clint Eastwood - Cinéma Passion

 

Le genre n'a jamais depuis retrouvé son statut d'antan, même si de très bons westerns, d'une grande diversité, ont été tournés ces trente dernières années : Danse avec les Loups de Kevin Costner en 1990, Wyatt Earp du même Lawrence Kasdan en 1994, Dead man (Jim Jarmusch) et Mort ou vif (Sam Raimi) en 1995, Open range de Kevin Costner en 2003, True Grit des frères Cohen en 2010, Django Unchained et Les 8 Salopards de Quentin Tarantino en 2012 et 2015, en 2017 Hostiles de Scott Cooper, sans oublier No Country for Old Men des frères Cohen en 2007 ou Les frères Sister de Jacques Audiard en 2018. Et la liste n'est pas exhaustive : Les Trois Mousquetaires, D'Artagnan de Martin Bourbouron, sorti cette année, pourrait presque y figurer, non ? Tous portent plus ou moins le sceau d'une forme de désillusion irrémédiable.

Preuve s'il en est que le genre présente de beaux restes. À l'Ouest du nouveau.

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Silverado (1985)

Publié dans pickachu

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