Virgin suicide : Priscilla de Sofia Coppola (2023).

Publié le par O.facquet

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Bret Easton Ellis écrit le vide. Sofia Coppola le film. Avec Priscilla, son dernier film, Sofia Coppola non seulement filme le désoeuvrement, mais également l'emprisonnement, la sujétion et la dépendance, avant un saut émancipateur dans l'inconnu. Quoi qu'on en dise, une femme qui en filme une autre, cela nous change, et c'est tant mieux. Surtout quand il question de destins féminins blessés. Il s'agira seulement de vérifier quel bénéfice artistique, voire féministe, il est envisageable d'en tirer.

 

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Priscilla est un film américain biographique sorti en 2023, sur Priscilla Presley, basé sur ses mémoires Elvis and Me (1985).

En 1959, la jeune et jolie Priscilla Beaulieu, une gamine âgée de 15 ans, une fille de militaire, rencontre Elvis Presley, un rocker qu'on ne présente plus, lequel effectue son service militaire sur la base américaine de Bad Noheim en Allemagne de l'Ouest. Ils tombent amoureux sous les yeux circonspects des parents de la jouvencelle, eu égard à la différence d'âge : Elvis a vingt-cinq ans en 1960. N'importe ! L'idylle se noue, et tout le monde s'y résout. Le chanteur sait y faire. En gentleman protecteur.

 

Priscilla (Film, 2024) — CinéSérie

 

Elvis Presley rentre aux Etats-Unis en 1960. De nouveau, les tournages, les enregistrements et les tournées s'enchaînent invariablement. Priscilla cherchent en vain à oublier son premier amour. La star disparaît des radars pour réapparaître en 1962 plus amoureux que jamais. La relation renaît de ses cendres plus intense désormais, à telle enseigne que Priscilla finit par quitter le domicile familiale pour partir s'installer dans une quasi-clandestinité à Graceland (Memphis, Tennessee), la propriété du chanteur où il vit en compagnie de ce qui reste de sa famille et de quelques proches plus ou moins intéressés. Les parents de Priscilla ont une nouvelle fois cédé. Elvis sait vraiment y faire décidément.

 

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Priscilla fréquente l'école catholique du coin pour y finir ses études secondaires (mission bientôt accomplie en trichant), où elle y est un objet de curiosité. La légende veut qu'ils soient restés chastes jusqu'à leur mariage iconique en 1967. Un exploit. Encore un.

En pleine révolution rock des années 1960, Elvis multiplie les tournages, les enregistrements et les tournées, abuse de médicaments en tous genres, de drogues multiples à la mode, et de conquêtes sans lendemain. Au grand désespoir de sa jeune épouse plongée quotidiennement dans la presse du cœur mondain, laquelle l'attend à la maison dans un ennui de plus en plus épais, se sentant négligée, au sein d'un environnement envahissant. Un être vous manque et tout est surpeuplé. Elle ne manque de rien mais souffre de tout. La jeune femme donne rapidement naissance à une petite fille, Lisa Marie.

 

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Elvis Presley s'enfonce au fil des ans dans une dépression toujours plus sévère, malgré un regain de notoriété à la fin des années 1960 comme au début des années 1970, d'autant que le King soigne son malaise à l'aide de stupéfiants à portée de main, le tout noyé dans un alcool abondant, ce qui n'arrange rien, loin s'en faut.

L'épuisement total le gagne. La vie familiale s'en ressent : leur relation se détériore irrémédiablement. Un jour Priscilla se lève et s'en va. Définitivement. Mettant ainsi fin au cauchemar conjugal surmédiatisé.

 

Priscilla true story: How accurate is Sofia Coppola's film? | Radio Times

 

Comme d'habitude avec Sofia Coppola, le récit avance en apesanteur, dans un état qu'on qualifiera de second, un style hypnotique sans à-coup brutal, le mal s'insinue dans le film à pas feutrés, il était pourtant toujours/déjà là, en témoignent les froides couleurs sombres privilégiées par la cinéaste. Il était question de vide et de vacuité, de désœuvrement, professionnel, affectif ou existentiel, c'est bien de cela qu'il s'agit dans Priscilla. N'était l'envol final, rien ne vient justifier l'existence ici-bas des deux protagonistes, tout les entraîne dans une torpeur sans espoir, une spirale infernale. L'histoire commence comme un conte de fées, elle se termine comme un conte défait, comme souvent dans le vrai monde (s'il existe).

 

See Jacob Elordi, Cailee Spaeny in official 'Priscilla' trailer: Watch here  - Good Morning America

 

Il ne faudrait surtout pas pourtant mésestimer le point de vue féministe du film. Si Elvis la choisit si jeune, ce n'est pas par hasard : il tient à la modeler à sa guise. Elle devra se coiffer, s'habiller, se maquiller, s'exprimer, marcher, faire l'amour, attendre, penser ou se moucher, comme il l'exige, avec une autorité insidieuse sans concession, ou presque. Le film est clair et net à cet égard. Même la chasteté du chanteur, un brin ridicule, est sujette à caution, c'est-à-dire ambiguë : Priscilla elle-même s'en agace à la longue. Rapidement Elvis devient agressif puis violent, et comme tous les conjoints violents : il joue l'enfant pour se faire pardonner. Une horreur. Il lui faut en outre supporter les délires mystiques de l'idole. Bref, rien d'autre qu'un tyran domestique.

 

Priscilla' Film Sets: How Graceland Was Recreated for Sofia Coppola's  Priscilla Presley Biopic | Architectural Digest

 

Et partout le vide : les nombreuses pièces de l'immense propriété kitsch du couple où Priscilla promène sans fin sa vacuité apparaissent dans un dénuement inquiétant, pour ne pas dire terrorisant. L'être dans le néant. Le superficiel en guise de quotidien et l'insignifiance comme horizon. L'envers du décor glamour. Désespérant. Quand Priscilla cherche à fuir sa prison dorée, elle est vite remise dans le droit chemin, recadrer (comme au cinéma), c'est le cas quand elle s'invite dans le bureau du sous-sol où deux secrétaires épluchent le courrier du chanteur, ou lorsque la jeune femme émet le simple souhait de travailler quelques heures hebdomadaires dans un commerce du comté -un refus sans appel. Retour du principe de réalité. Le patriarcat dans toute son étendue, n'exister qu'en fonction de monsieur. Priscilla subit longtemps sans mot dire -sans maudire ? Il est d'ailleurs grand temps de saluer le jeu magistralement chuchoté de Cailee Spaeny. Quant au jeu de Jacob Elordi : il est d'une fadeur idoine.

 

Priscilla : premier teaser pour le film de Sofia Coppola | CineChronicle

 

Force est néanmoins de constater que Sofia Coppola n'en fait pas trop. Son propos est d'autant plus fort qu'il s'invite subtilement entre les images. Il n'est jamais asséné. Si le film est engagé, il n'est pas militant. Et cela imprime favorablement. D'où que Priscilla est une œuvre d'art et non un tract de propagande : beaucoup de questions et peu de réponses. En miroir, la vie tourbillonnante d'Elvis Presley, bien que pleinement remplie, paraît à son tour totalement dérisoire. Sofia Coppola n'y va pas avec le dos de la cuillère -Elvis était très doué et son travail restera. Le King souvent semble plus bête que méchant -ce qui n'était pas le cas. Une façon comme une autre de rendre sans doute plus consistant encore l'inconsistance routinière de Priscilla. Une vision du monde accablante en tout cas. Ce serait toutefois oublier l'évasion finale de la captive.

 

Priscilla' Cinematographer Philippe Le Sourd on Capturing Sofia Coppola's  Vision of the '60s (Exclusive) | A.frame

 

Un mot encore. En filigrane, à l'instar des fictions qui nous plongent dans les arcanes du pouvoir, pour y dénoncer parfois le cynisme qui y sévit, Sofia Coppola se veut présentement démocratique en dévoilant la vie désespérante de nos idoles d'hier et d'aujourd'hui, histoire de nous aider à supporter nos modestes existences, voire de nous délester de frustrations portatives. Qu'elle en soit infiniment remerciée.

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Photo : Cailee Spaeny et Sofia Coppola au photocall de Priscilla présenté  au 80ème Festival International du Film de Venise (Mostra), le 4 septembre  2023. - Purepeople

Publié dans pickachu

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