Osez Joséphine ! Napoléon de R.Scott.

Publié le par O.facquet

Trailer du film Napoléon - Napoléon Bande-annonce (2) VO - AlloCiné

"Commander c'est parler aux yeux"

Napoléon Bonaparte

Depuis quelques mois désormais la tension monte. Le cinéma, un film plus précisément, et c'est heureux, se retrouve au centre d'une kyrielle de controverses, de querelles, d'analyses tout à la fois historiques et cinématographiques -elles se corsent ces derniers jours-, ce qui permet au septième art de reconquérir un empire qu'il avait perdu au profit de la télévision, et plus récemment des séries, voire des réseaux sociaux en tous genres.

Napoléon donc, une œuvre de Ridley Scott, qui vient tout juste de sortir sur nos (grands) écrans, avec Vanessa Kirby (Joséphine de Beauharnais) et Joaquin Phoenix (l'Empereur) dans les principaux rôles.

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Le film survole les principaux épisodes d'une vie à nulle autre pareille, ses joies, ses peines, ses victoires (nombreuses, morgues pleines) et ses défaites définitives : morne plaine. Que du mémorable : une carrière d'officier fulgurante, bien sûr, une conquête du pouvoir tambour battant, bien entendu, sans oublier une chevauchée européenne insensée, suivie d'une chute humiliante qui se clôt dans une île perdue de l'Océan atlantique. D’où la blague de cour d’école de notre enfance : elle est enceinte Hélène ?

Le film NAPOLÉON dans les salles françaises

Derrière l'homme illustre, toutefois, cherchez la femme, souffle l'adage : Joséphine de Beauharnais, en l'occurrence, sa première épouse. L'amour que l'Empereur lui porte sous-tend l'ensemble du film, formant sa charpente, il s'insinue deux heures quarante durant entre les images, le cinéaste en fait de la sorte le thème majeur de son œuvre. Pourquoi pas. De l'érotique anecdotique dirons certains. Allez savoir.

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Que le film soit ou non fidèle à la réalité importe peu de toute façon. C'est de nouveau sur le plan fantasmatique que tout se joue, en ce qui concerne l'oeuvre, d'une part, et ceux qui en disent quelque chose, même trois fois rien, d'autre part. L'important finalement c'est que Napoléon fasse causer, en bien ou en mal.

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Surtout filmer c’est faire des choix, narratifs ou de mise en scène. Ridley Scott a fait les siens : ce sera un Napoléon en militaire inspiré et intrépide, en ambitieux opportuniste ou en amoureux transis. Exit le politique novateur et le modernisateur révolutionnaire : rien ou presque sur le Code civil, les lycées, les préfets, le franc germinal ou le Concordat : les fameuses « masses de granit ». Rien non plus sur les maréchaux d’empire parfois venus du peuple : les Ney, Lannes, Soult, Murat, Davout ou Poniatowski. Entre autres. Des officiers de grande valeur. Rien enfin sur l’enfance corse et l’adolescence studieuse du chef, et pas grand-chose sur la fratrie. Napoléon d’emblée s’illustre par un montage de grande qualité au service d’ellipses assumées : des batailles célèbres (et célébrées), des à-coups politiques et le contact de deux épidermes. Ce qui déjà n’est pas rien. Il faut renoncer ici au biopic exhaustif sans saveur. Et accueillir les partis pris de l’artiste (une Révolution sans pitié et un empereur meurtrier).

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N’en déplaise aux critiques hexagonaux, le film est un chef-d’oeuvre. Sans doute le meilleur du cinéaste. Ils l’ont trouvé lourdingue, aberrant et grotesque. C’est leur droit. Voyons voir.

Le jeu de Joaquin Phoenix a été particulièrement décrié, jusqu’à la nausée. A l’instar du film, il est simplement d’une sobriété austère, l’acteur incarne un empereur sur lequel pèse démesurément le poids de l’Histoire : subitement le registre évolue lorsque à jamais vaincu après la défaite de Waterloo (18 juin 1815) Napoléon attend sur le Bellérophon d’être définitivement fixé sur son sort. Il devient souriant, presque blagueur, un rien urbain, voire charmeur, et un sourire inconnu éclaire un visage enfin détendu. Il en a fini avec tous ses soucis. Ou presque.

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Le fond a été pesé au trébuchet, la forme pour le moins négligée par les critiques. C’est pourtant là que tout se joue. Les esprits retords attendaient un Ridley Scott dans la surenchère visuelle. Ils découvrent une œuvre alerte sans ralenti tape à l’oeil par exemple. D’où leur désarroi vengeur. Les scènes de bataille impressionnent sans afféterie de style. A l’image du reste du film, par le truchement d’un cadrage au cordeau, du soin apporté à la mise en scène, d’un travail de haut vol sur la lumière et les décors (et les costumes !), Toulon en 1793, Austerlitz en 1805, la retraite de Russie en 1812 ou la bataille de Waterloo sont magistralement filmées, avec une retenue qui paradoxalement en amplifie la force. D’autres séquences sont à l’avenant, celle du sacre, par exemple, s’impose par sa rigueur quasi janséniste. Une sévérité inattendue mais bienvenue. Et que dire du passage de l’Empereur à l’Île d’Elbe en 1814, à deux doigts du documentaire, et du retour de l’Aigle en mars 1815, d’une simplicité qui force le respect mais n’étouffe pas l’émotion. Bien au contraire. Nous reparlerons un jour du passage halluciné en Égypte, du retour furtif du mari trompé vers l’épouse volage délaissée. En outre, le réalisateur nous épargne les saillies cultes du grand homme. Un signe. Et l'on rit de bon cœur de voir tournés goulûment en ridicule Robespierre ou Louis XVIII. Sans oublier le coup d'État du 18 brumaire filmé comme une comédie loufoque. Il faut voir surtout Marie-Antoinette marcher crânement vers la mort sous les quolibets du peuple en portant fièrement un port aristocratique provocateur.

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Bien sûr, Napoléon fait l’amour comme il part à l’assaut des lignes ennemies : brutalement ! À la hussarde ! À telle enseigne que Joséphine s’ennuie ferme : en l’absence du mari parti guerroyer, elle jouit ailleurs des plaisirs des sens dans des bras plus subtils. Il faut bien que le corps exulte. S’en suivent des disputes homériques, des retrouvailles pleines de larmes et de promesses intenables. Napoléon s’y montre sensible et fragile. Comme il l’est lorsqu’il embrasse le tout jeune roi de Rome, lové dans ses bras. Un sentimentalisme risqué, voire osé, mais sous contrôle. Une autre réussite du film. Il faudrait également évoquer la séquence de fin sur l’Île de Sainte-Hélène, où l’empereur déchu devise sereinement avec deux jeunes filles en fleur, une séquence en apesanteur : Napoléon assis sur une chaise et filmé de dos dodeline de la tête, puis tire sa révérence. Fondu au noir. Un mythe vient de naître.

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Napoléon, le film de Ridley Scott

Publié dans pickachu

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