Les déesses du stade
Le football est la dernière religion universelle
Serge Daney (1944-1992)
Ce n'est pas parce que le balancier judiciaire et médiatique (je lèche, je lâche, je lynche) de l'infamie change de côté dans l'Affaire DSK contre un fantôme, que nous allons nous priver de dire un mot sur la Coupe du monde de football féminin diffusée en ce moment sur Eurosport. Les commentaires (par trop masculins, encore un effort messieurs, les femmes savent parler, le souffler aux rédacteurs en chef oublieux) sont sobres, autrement plus fins que ceux qui accompagnent les effluves de testostérones nauséabonds footballistiques. Pas d'envolées hyperboliques guerrières et/ou chauvines (ou alors dans la bonne humeur, pour le fun), le jeu, rien que le jeu, sur un mode apaisé et apaisant. Que ça fait du bien quand on aime le football de haut niveau ! De très haut niveau même, oui, sans conteste, rien à envier aux poilus, par tous les saints glorifiés : le jeu est fluide, chatoyant, d'un niveau technique de qualité, une rage de vaincre saine, un respect entre les joueuses exemplaire, un corps arbitral, féminin (à l'image d'un des coachs hier soir ; ne pas dire entraîneuses, la langue : miroir des rapports de force sexuels d'une société ?), peu contesté : un spectacle qui en remontre aux hommes et aux spectateurs, autant qu'un long discours des chiennes de garde.
C'est en outre bien filmé. Les plans de coupe inutiles sur le ministre Machin ou Mike Jagger sont rares, tout comme les ralentis (courts), utilisés avec parcimonie, à l'instar des gros plans, histoire de rappeler, entre autres, que le soccer est un sport collectif (1). La mise en scène ainsi conçue ne hache pas le déroulement du match de séquences superfétatoires. De toute façon, ces dames (les Brésiliennes, my God !) se dispensent du cirque que la gente masculine nous inflige. Ici, pas de chichis, ni de minauderies casse-pieds, au petit jeu des contrastes, nos machos publicitaires millionnaires s'en tirent mal. Beaucoup de plans larges, de prises de vues d'ensemble bienvenues : la finesse du jeu n'en est que davantage mise en valeur. On ne s'ennuie pas une minute. Jamais. Difficile d'en dire autant du foot masculin, chaque année plus sclérosé et stéréotypé encore (exception faite du FC Barcelone). Qu'importe le scénario, la nature exceptionnelle de la mise en scène, sans oublier la qualité de la direction d'actrices, offrent une image du sport empreinte de talent, de dignité, où le plaisir est reine. Il n'est pas interdit par les temps qui courent (vite, comme les joueuses susmentionnées) de parler d'une forme de noblesse édifiante. Ces femmes en short ne ménagent leur peine comme dirait DSK. Les dés ne sont pas pipés. La réalisation n'a pas l'audimat aux fesses, en découle un mode de filmage qu'on croyait disparu pour toujours. Les femmes seraient-elles l'avenir du ballon rond dans l'enceinte de stades (pleins, des nanas et des mâles heureux mélangés) longtemps réservés au sexe dit fort -en gueule ? Gazon béni.
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1) Lire à ce sujet l'excellent ouvrage de l'historien Paul Dietschy Histoire du football (Perrin, 2010).
2) Copinage. Ceci n'ayant rien à voir avec cela, le Rock'n philo (Bréal, 2011) du philosophe Francis Métivier vaut plus que le détour. Un choc. Merci l'ami.