Comme me dit ma femme... Salut l'artiste ! A tribute to Columbo.
à Madame Columbo,
Peter Michael Falk est né le 16 septembre 1927 à New York dans le quartier de Brooklyn. Il est mort le 23 juin dernier dans sa maison de Beverly Hills à L.A. aux Etats-Unis d'Amérique. Une parenthèse, au risque d'agacer : l'Amérique n'est pas une et indivisible, à défendre ou rejeter en bloc, à l'image de ses séries télévisées, bonnes ou mauvaises ; le dire devrait aller de soi. Cependant, chercher à nuancer à ce sujet fait de vous un suspect au pays d'Astérix retranché dans son village obsidional.
Peter Falk possède un point commun avec l'abject Jean-Marie Le Pen : un oeil de verre. Il a perdu tout jeune, à l'âge de trois ans, son oeil droit atteint d'une tumeur maligne ; il devient borgne. D'origine juive, le boss du FN aurait vu en revanche d'un mauvais oeil ses filles en tomber amoureuses. Quelle fureur !
De 1971 à 1978, puis de 1989 à 2003, il incarne à la TV le lieutenant Columbo de la brigade criminelle de L.A.. A la différence d'autres séries policières US, le mobile et le ou les assassins, c'est-à-dire le qui et le pourquoi, s'effacent au profit du comment. La particularité de cette série est de toujours montrer le meurtre au début de l'épisode. Columbo débarque avec sa 403 Peugeot cabriolet prête à rendre l'âme à tout moment, dans des milieux huppés où il s'évertue à surjouer les idiots, la démarche gauche, il fume souvent le cigare, vêtu par tous les temps d'un imperméable froissé beige, flanqué parfois d'un basset qu'il appelle le chien. Il évoque plus qu'à son tour Madame Columbo qu'on ne verra néanmoins jamais.
Le spectateur sait plusieurs choses : Columbo est un humaniste doté d'une rare intelligence, capable d'une ironie subtile et piquante, il repère rapidement le coupable, qu'il confond invariablement à partir de menus indices. Le crime parfait est déprogrammé grâce à un petit détail. TF1 a diffusé récemment un épisode de la deuxième série dans lequel Columbo coince le tueur à partir d'un bout d'ongle trouvé dans la cuvette des toilettes d'une des victimes : le lieutenant retrousse ses manches, plonge sa main gauche dans l'eau, en retire avec délectation le minuscule déchet qui va envoyer au pénitencier un jeune arriviste trop pressé.
Sans haine, ni esprit de revanche, c'est, comme nous l'avons déjà dit, dans les milieux aisés californiens que le lieutenant Columbo sévit. Un constante qui n'est pas sans expliquer la réussite et la longévité de la série, entre autres choses, bien sûr. Cela, tout le monde le sait déjà.
Une question toutefois taraude les amoureux de la série (jeunes, Steven Spielberg et Jonathan Demme s'y sont fait la main, Henry Mancini a composé la partition de nombreux épisodes) : comment expliquer l'unanimité qu'elle suscite aujourd'hui encore dans tous les milieux, quel que soit l'âge du spectateur ? Osons ceci : la simplicité du projet, l'humilité du personnage, les joutes oratoires entre notre enquêteur et les suspects, ce jeu désarmé du chat et de la souris, ce cheminement qui nécessite patience et temps, choses précieuses de nos jours, et fait appel à l'intelligence du spectateur -de quelle façon Columbo va-t-il faire vaciller le meurtrier ?-, tranchent avec les séries policières américaines du moment, otages de la dictature des sciences et des techniques déshumanisantes. En phase avec l'idéologie dominante. D'où des personnages raides comme la justice, une calculatrice à la place du cerveau, sans âme, ni finesse, dénués d'humour, bavards comme le doyen d'une faculté de médecine, spécialistes de spectacles high-tech ou/et trash pyrotechniques envahissants, devenus lassants à la longue, sans parler des brainstormings stéréotypés (Les Experts, NCIS, la liste n'est pas exhaustive). Une hypothèse comme une autre, non ? "Quel plus beau personnage que Columbo et qu'est-ce qu'elle a créé, la télévision française, pour rivaliser sur ce terrain-là ?" a écrit Serge Daney dans le quotidien Libération du 23 octobre 1987. Une fois encore, Sergio parlait d'or.
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