Ce n'est qu'un au revoir...
Il est de bon ton de snober Les Cahiers du Cinéma par les temps qui courent. Pas assez ceci, trop cela. D'accord, ce n'est pas la
Bible, mais tout de même, la revue fondée par André Bazin en avril 1951 a vu passer quelques plumes, et pas des moindres (la politique des auteurs, c'est
elle) : Bazin himself, Truffaut et son célèbre article "Sur une certaine tendance du cinéma français" -inégalable-, Chabrol, Rohmer, Rivette, Douchet, Godard, Daney -the
best-, Antoine de Baecque, Serge Toubiana, Jean Narboni, Charles Tesson, Louis Skorecki, Frédéric Strauss, Emmanuel Burdeau, Jean-Michel Frodon, Pascal Bonitzer, Jacques
Rancière, la liste n'est pas bien sûr exhaustive. Stéphane Delorme est aujourd'hui à la barre : bon vent ! Ce petit détour par Les Cahiers pour saluer et dire au revoir
à l'ami Eric Costeix, dont le dernier ouvrage sur André Téchiné est une merveille. Rares furent nos désaccords cinéphiliques (lorsque ce fut le cas, ils furent mineurs). Chercheur exigeant,
critique brillant, c'est peu de dire que le cotoyer une décennie durant fut un stimulant fécond, une émulation saine et amicale. Nulle vaine rivalité n'est venue altérer des échanges
toujours fructueux (nous partagions, entre autres, une égale méfiance à l'égard du cinéma de La Qualité française). Les cinémas tourangeaux Les
Studio perdent leur meilleur rédacteur. Le plus prolifique, le plus novateur. On s'en apercevra bientôt. Les Cahiers du Cinéma nous réunissent une dernière fois. Comme
tous les ans, les rédacteurs de la revue donnent leur TOP TEN : Eric a dû se réjouir d'y voir figurer un cinéaste qu'il a défendu contre vents et marées ces dernières
années, nonobstant les sarcasmes de quelques-uns : Bruno Dumont pour son dernier film, Hadewijch. Tarantino, avec Inglourious Bastards, et Clint
Eastwood, pour Gran Torino, font partie de la liste, ce qui va faire grincer bien des dents. Ultime complicité cinéphilique à la barbe des ayatollahs locaux du
Septième Art. Le Ruban blanc de Hanake est absent du palmarès. Sans doute un oubli, il ne peut pas en être autrement. Mais c'est une autre histoire... L'ami
Costeix part au Canada (reste couvert à cause du vent) se construire une cabanne, je reste dans la mienne pour fantasmer le Nouveau Monde. Bonne continuation, plein de
bonheur. Merci pour tout et à la revoyure. Salut l'artiste !
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