Perse et police

Publié le par facquet





à Chapour Bakhtiar

" Silence dans l'Iran" titre ce mercredi (17 juin) le Canard enchaîné. Perspicace, en 1979, le soutien apporté par une partie de l'intelligentsia progressiste (Michel Foucault) à l'instauration d'un République islamique en Iran, sous l'égide de l'Ayatollah Khomeiny, Guide suprême, au nom d'une réappropriation culturelle fantasmée, d'un retour aux sources délirant et xénophobe, après des décennies d'interventionnisme anglo-américain bien réelles (Le Shah et la CIA s'entendaient comme larrons en foire) ? Persuasifs, ceux qui récemment encore voyaient en Mahmoud Ahmadinejad un altermondialisme atypique et fantasque, comme son ami Hugo Chavez (qui vient de luiapporter son soutien dans leur lutte contre le capitalisme), pourfendeurs tous deux de l'Empire yankee ? Persistantes, en tout cas, toutes ses doctes analyses, vouées à faire de l'Iran d'aujourd'hui une démocratie originale. Le voile est enfin tombé, comme les coups des policiers en civil s'acharnant sur les manifestants à Téhéran. Souffrez que nous persiflions un peu. Quelqu'un a écrit il y a peu : " Que savons-nous de cette société dont les dirigeants sont présentés par un grand nombre de médias et d'hommes politques occidentaux comme de dangereux fanatiques menançant la paix ?" S'ensuit un laïus anti-américain conventionnel. Sans commentaire. Depuis, Barack Obama a lancé sa politique de la main tendue. Bras d'honneur des dignitaires fraudeurs de Téhéran. Retour à la case départ.
Marjane Satrapi émue aux larmes l'autre soir à la télé en compagnie de Dany Cohn-Bendit : elle en appelle au soutien des sociétés civiles des nations démocratiques. Relire sa BD Persepolis, puis son adaptation cinématographique en 2007 par l'artiste elle-même et Vincent Paronnaud : un chef-d'oeuvre animé. Première infidélité à la conception bazinienne du septième art. Jusque-là, le dessin animé, c'était autre chose que le cinéma. Nulle "belle image", a fortiori dessinée, hormis Le Tombeau des lucioles, ne semblait pouvoir remplacer l'émotion ressentie devant les choses enregistrées par une caméra (depuis il y a aussi eu Wall.E). Et soudain...
La beauté plastique de Persepolis ne plombe pas le film, en raison peut-être d'une filiation assumée (la BD) ; la force du récit, grave et léger, tout à la fois, sans déséquilibre, la voix off, sans oublier la musique, suscitent le respect : la jeune Marjane vit les événements douloureux qui déchirent son pays de la fin des années 70, au début des années 90, avant un exil en Europe occidentale.
La place des femmes dans la société iranienne. La violence multiforme des milices religieuses. Le contrôle politico-social permanent. La guerre avec l'Irak (2 millions de morts de part et d'autre). Les persécutions en tous genres (des homosexuels en particulier) et autres assassinats. La souffrance des femmes, l'humiliation pernicieuse, encore et toujours. Cet insupportable statut d'infériorité, là-bas et ailleurs, alors que la moitié des Hommes sont des femmes. Une égalité non négociable, quoi qu'il en soit.
Prenez Abbas Kiarostami, le plus grand cinéaste iranien contemporain. En 2001, il tourne Ten, avec la superbe Mania Akbani. Le cinéaste place une caméra sur le tableau de bord d'une voiture, ce dispositif astucieux permet de suivre une 1h30 durant, le quotidien d'une femme divorcée aisée téhéranaise, à l'aide seulement de quelques plans séquences.
Un dispositif allégorique : la condition abominable de la femme en Iran, tout autant : la métaphore d'une société embastillée, suffocante, comme encaissée, au bord de la crise de nerfs (telle cette famile palestinienne chrétienne emmurée dans Gaza, dans le très bon Amerikka de Cherien Dabis).
Abbas Kiarostami n'appartient pas au Mossad, ni à la CIA. L'artiste comme miroir de son époque, un visionnaire quelquefois. Le vert, couleur de l'espérance. Vert pomme, le brassard porté par les footballeurs iraniens en sortie internationale. La rue gronde, verte de monde et de rage. Une théocratie tremble sur ses fondations. Le film des événements est à suivre sur le Net, parcours inédit des images, seul moyen de circonvenir les pères censeurs fous de Dieu. Le cyberespace(Youtube, Facebook, Dailymotion et Twitter, via le téléphone portable) en l'espèce, comme source et lieu de nouveaux récits ?
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Publié dans pickachu

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