Mann miraculeux

Publié le par facquet

                                                                     


Les lundi et mardi 15 et 16 octobre, Les Studio, en collaboration avec la Cinémathèque de Tours, ont consacré deux soirées au cinéaste américain Anthony Mann (1907-1967). Ce dernier ne jouit pas d'une notoriété égale à celle de Ford ou Hawks ; son talent est cependant immense, tout comme l'importance de son travail. Dans les westerns de Mann, la nature est aussi sauvage qu'imprévisible, l'humain est souvent violent, la cruauté n'est jamais loin. Le mardi, après la projection des Affameurs (1952) -miroir des prodiges de la malignité humaine-, le public a pu s'entretenir avec Charlotte Garson, rédactrice aux Cahiers du Cinéma, et spécialiste du cinéma américain d'après-guerre.
Au printemps dernier, elle était déjà venue nous parler de L'Homme qui tua Liberty Valance de John Ford. Ceux qui eurent la chance d'assister à la soirée s'en souviennent encore. Osons le dire, hommes et femmes, tout à la fois, nous avions été charmés par sa gentillesse spontanée : la profondeur toujours accessible de son propos, la clarté de son exposé (loin du sabir universitaire), son écoute bienveillante, une nouvelle fois ont séduit l'assistance.
Fidèle à la politique des auteurs, la jeune femme cherche inlassablement à mettre au jour les thèmes (l'itinéraire, la vengeance) qui structurent l'oeuvre du réalisateur de L'Homme de L'Ouest (1958) : "Ce qui hante le scénariste de Mann -Borden Chase-, c'est l'idée du faux-frère ; les tueurs des Affameurs savent qui est l'autre, instinctivement : il y a comme un effet de miroir. Les deux personnages, Glyn (James Stewart) et Cole (Arthur Kennedy), ont un passé opaque, quelque chose à cacher. Savoir ce que l'autre va faire ou penser, voilà une de leurs obsessions. Lors de la scène de la partie de poker, Cole devient soudain la mauvaise conscience personnifiée de Glyn. Regardez comme ils n'arrêtent pas de se sauver la vie l'un l'autre : dans le saloon, par exemple, ils se protègent dans une parfaite symétrie, et c'est une très belle scène! L'un est rattrapable, l'autre pas, mais bien des mensonges les lient. Pourquoi Glyn sauve-t-il immédiatement Cole lors de la séquence de la pendaison ? A-t-il de suite reconnu son double, voire sa moitié ? Il n'y a pas de hasard. Pour le film, pour les spectateurs, et bien sûr pour les personnages mêmes, un des gunfighters doit mourir. Un des deux frères ne peut pas survivre. Il n'y a pas d'autres issues possibles" juge-t-elle. Et livre une subtile définition du genre : "Ils sont plusieurs, et il est seul".
Amérique obige, les références bibliques abondent dans Les Affameurs ; Charlotte Garson le reconnaît. Caïn et  Abel (Glyn et Cole), le rédemption christique, le christian reborn (encore Glyn), le patriarche (Jérémy), ou encore le Terre promise (l'Orégon et ses champs fertiles), et la liste n'est pas exhaustive, sont autant de clins d'oeil à l'Ancien et au Nouveau Testaments.
Avant de clore le débat, Charlotte Garson évoque les choix de mise en scène d'Anthony Mann, ou comment filmer l'humain en butte à des paysages difficiles ; explique enfin pourquoi les dernières minutes du film ne pouvaient que décevoir : "Après la mort de son double,  le personnage joué par James stewart est pâle, bien falôt ; le film n'intéresse  plus Anthonny  Mann" dit-elle. Magistral. A la revoyure, et à très bientôt. Vraiment !
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Publié dans pickachu

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