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Publié le par facquet

                                                                                                                                                                                                      Wall.E, le film d'animation numérique d'Andrew Stanton, produit par Disney-Pixar, est une des plus belles réussites cinématographiques de ces dernières années, tous genres confondus. Un film intelligent, astucieux, et subtil, sans prétention didactique plombante, malin mais pas roublard, merveilleux, sans esbroufe, ni boursouflure : un enchantement. Il mérite bien des superlatifs, au risque de l'emphase. Le jeu en vaut la chandelle, assurément.
Il se nomme Wall.E. Un droïde cracra et rouillé. Il erre esseulé (en fait, non, en compagnie d'une blatte fidèle qui ne lui lâche pas les chenilles). Seul sur Terre, solitaire (célibataire ?) endurci, il prend soin de lui. La Terre est devenue inhabitable puis abandonnée des centaines d'années plus tôt par l'espèce humaine. Le robot, jamais débranché, compresse des déchets innombrables dans les ruines d'une société d'hyperconsommation dont la pollution a rendu l'air irrespirable. Il érige, jour après jour, d'immenses belvédères. Wall.E, au fil des siècles, a développé un comportement d'esthète (chercheuse) touche-à-tout, doué d'une expresivité surprenante. Un anthropomorphisme un temps déshumanisé. Wall.E a découvert l'affect : il caresse même l'envie de tomber amoureux.
Soudain, un vaisseau tombé du ciel se pose sur Terre, et libère un robot ovoïde doté d'un disque dur féminin, Eve (Wall.E prononce ai-veu), envoyée par l'humanité exilée. Il faudrait se faire poète, touver les mots idoines, les métaphores appropriées, les bonnes allégories, lesquels montreraient par quel tour de passe-passe, le cinéaste est parvenu à filmer un des couples les plus drôles et émouvants de l'histoire du cinéma, et le ballet amoureux le plus voluptueux, celui de deux automates épris l'un de l'autre, depuis la danse qui réunissait dans Tous en scène, Cyd Charisse et et Fred Astaire, par la magie de la chorégraphie (Vincente Minnelli, 1953).
Sur un mode différent, la deuxième partie se déroule dans la station spatiale où vit Eve, au service de robots plus perfectionnés et en compagnie d'êtres humains devenus obèses, inaptes à la marche, à force de vivre allongés.
Les clins d'oeil cinéphiliques, jamais inopportuns, donnent le frisson : le western spaghetti : Eve tire sur tout ce qui bouge (excès maniériste), un maniérisme qui s'effectue aussi par ascèse, les allées et venues ritualisées de Wall.E au tout début du film, le réalisateur raffine sur une forme antérieure, même si, du dessin animé au film d'animation, les techniques ont considérablement changé -à cet égard, relativement à Disney, Tex Avery peut être dit maniériste ; sans oublier la comédie musicale (voir le film...), La Planète des singes (Franklin F.Schaffner, 1967, l'espèce humaine se saborde), Soleil vert (R.Fleicher, 1973, en 2022, les hommes ont épuisé les ressources naturelles), Planète interdite (Fred W.Wilcox, 1956, sur la lointaine planète Altair 4, une civilisation autrefois brillante a disparu), 2001 L'Odyssée de l'espace (de S.Kubrick, 1968, entre autres, pour l'inquiétude face au poids croissant de l'informatique et des ses réseaux incontrôlables), Star wars (George Lucas, 1977, pour les droïdes R2-D2 et C-3PO), le cinéma muet (la première demi-heure), la liste est loin d'être exhaustive. Rien d'envahissant cependant.
Bien sûr, Wall.E surfe, un brin opportuniste et démago, sur la vague écolo-pessimiste, portée à son comble, en son point d'aboutissement catastrophique.
N'empêche ! Wall.E se fait l'écho d'une marche néolibérale vers l'individualisation forcée des individus, traduction d'une violente désocialisation. Wall.E, un atome en déshérence, une molécule isolée, abandonné à son sort (il s'en sort toutefois). Le cinéma comme art du présent, oui, bien entendu. Le retour au bercail de l'humanité expatriée sonne comme une forme de resocialisation fantasmée. Wall.E, à sa façon -et de quelle manière !-, est aussi un film politique, pas un outil de propagande. Nuance.

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Publié dans pickachu

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