Génie de Pixar : Les Indestructibles 2 (2018)

Publié le par O.facquet

 

Les Indestructibles 2 : Le retour des super-héros Disney-Pixar -  jcsatanas.fr

 

à Sophie, pour nos retrouvailles,

 

Les Indestructibles 2, sorti en 2018, écrit et réalisé par Brad Bird (il avait réalisé Mission Impossible : Protocole fantôme en 2011), suite du premier au titre éponyme, à l'instar de l'ensemble des films d'animation de la maison Pixar Animation Studios, est une oeuvre politique, au sens où, entre autre chose, il nous dit quelque chose de la vie de la cité, en l'occurrence la nôtre, un film engagé sans être militant, en un mot il expose, donc propose, sans imposer. En somme : une œuvre d'art, jamais de la propagande.

La famille Parr -Bob, le père, alias Mr Indestructible, Hélène, alias Elastigirl, la mère, Violette, Flèche et Jack-Jack, les enfants, tous des super-héros- trois mois après la défaite de Syndrome dans le film précédent, sont de retour pour notre plus grand plaisir -nous avions dit à l'été 2021 ce qu'il fallait peut-être penser du premier épisode : beaucoup de bien.

Les Indestructibles en DVD : INCREDIBLES 1-2-BIL - AlloCiné

L'oxymore

Le film se met en branle à tombeau ouvert, là où l'intrigue en 2004 avait cessé : la famille tente en vain d'empêcher Le Démolisseur de dévaliser la banque de Metroville -une photocopie de Gotam City. Une banque : ce n'est pas fortuit. Les autorités municipales s'inquiètent des nombreux dégâts et autres dommages collatéraux occasionnés par l'incident.

Les Indestructibles 2 notre critique du film Disney Pixar 2018

 

Les pouvoirs publics font à cet égard savoir à la famille Parr, comme à tous les autres super-héros en activité, qu'ils ne pourront plus désormais compter sur l'aide, la protection et le soutien, et des institutions et des forces de l'ordre. En un mot, face à la criminalité galopante : débrouillez-vous pour votre sécurité. Ils mettent fin au programme « Super relocation ». Ce qui oblige les super-héros à prendre leur responsabilité en permanence et à oublier leur identités secrètes, lesquelles leur permettaient de partager tant bien que mal le quotidien du commun des mortels. Déjà dans Indestructibles, nous suivions les tribulations de la famille Parr, obligée de revenir dans le civil et le train-train pavillonnaire, avant de reprendre du service. Première critique de la morne modernité.

Evelyn et Winston Deavor rencontrent les Supers - Les Indestructibles 2  (actualité)

 

Un magnat dans les télécommunications (ci-dessus), doublé d'un philanthrope sincère, flanqué de sa sœur Evelyn, propose à Bob et Hélène de revenir aux affaires, en forme de coup publicitaire, afin de regagner les faveurs de l'opinion publique. Les affaires reprennent. La suite appartient aux curieux.

Un mot encore toutefois sur Les Indestructibles 2, autant sur le fond que sur la forme, insécables.

Le vingtième film conçu par Pixar glorifie la famille, comme seuls souvent savent le faire les Américains, une famille unie, soudée, protectrice et indestructible, qui cultive une bienveillance résiliente, une famille nucléaire où les atomes crochus avancent de concert, dans l'adversité, comme lorsque la fortune lui sourit. Rien de nouveau sous le soleil. Remarquons néanmoins que dans Les Indestructibles 2 se sont désormais les rejetons qui sauvent la famille d'une défaite en rase campagne. Les adultes ne tiennent plus leur rang. Triste époque.

Acheter Les Indestructibles 2 - Microsoft Store fr-FR

 

À ce sujet, Les Indestructibles a longtemps été le seul film conçu par Pixar sollicitant une généalogie familiale, assimilée toutefois aux super-héros, avec un cloisonnement des rôles archétypal. À force de stéréotypes les humains se sont métamorphosés en comics sur pattes. Il faudra attendre Rebelle en 2012, avant Coco en 2017 de Lee Unkrich, pour voir surgir d'autres familles, mais ici ce sera une affaire de morts plutôt que de vivants. Les humains se présentent souvent chez Pixar comme une espèce évanescente, peut-être en voie de disparition.

Coco, le nouveau Disney Pixar, met les Mexicains en émoi

Coco (2017)

 

Le film est de surcroît bien plus féministe que le premier épisode. C'est une des réussites d'Indestructibles 2. Madame mène le bal. Monsieur reste à la maison, au chevet de la famille : il lui faut laver le linge, le repasser, faire les courses, changer les couches du petit dernier doté soudain de super-pouvoirs envahissants, se lever la nuit, dormir debout, tenir la maison propre, gérer les deux aînés, l'une fait sa crise d'adolescence dans une tribu décalée, l'autre n'en fait qu'à sa tête comme le veut son jeune âge. Monsieur découvre les joies d'une vie de ménagère surmenée, finit par péter un câble, le tout est à la fois drôle et grinçant, autant dire d'une redoutable efficacité. Qui plus est, la fable de la lutte des hommes contre les machines est explicite dans Indestructibles 1 et 2, elle entre en résonance avec bien des préoccupations de notre temps, malgré la stylisation rétro qui laisse penser qu'elles sont d'un autre âge.

Les indestructibles 2", toujours aussi Supers - Citazine

Critique de "Les Indestructibles 2" : un vent de fraîcheur dans le monde  des superhéros - CNET France

 

Le film se montre en outre de nouveau un brin populiste puisqu'il laisse entendre entre les images que seules quelques personnalités providentielles sont en capacité d'assurer la sécurité des administrés, quand la police avoue se trouver totalement démunie face aux hors-la-loi qui terrorisent les honnêtes gens.

Non, ce qui saute aux yeux, dans la suite des Indestructibles, c'est l'ambiguïté du personnage censée incarner l'éternel méchant, ici une méchante, la sœur du philanthrope : Evelyn Deavor.

helen evelyn

Evelyn

Ouvrons une parenthèse pour simplement constater que l'insécurité, voire son sentiment, pour ne vexer personne, demeure le principal souci des citoyens ordinaires qui habitent le film. Ni l'âge de la retraite, moins encore le pouvoir d'achat ne paraissent troubler leur quotidien. Les Indestructibles 2 : un film de droite scénarisé par manuel Valls ?

Les Indestructibles 2 : Samuel L. Jackson lance le top départ

 

Evelyn Deavor, donc. Nous y sommes. Madame a une dent contre les super-héros : ils seraient responsables de la mort de ses parents jadis. Vis-à-vis de son frère, de Bob et Hélène, Evelyn joue un double jeu. Elle maudit le bas peuple d'être incapable de se prendre en main, lequel finit par abandonner ses responsabilités de citoyen, au profit de personnages doués de pouvoirs surhumains, en charge du rétablissement de l'ordre et de la défense de la sécurité publique. Par le truchement des médias audiovisuels, les habitants de Metroville se transforment lâchement en spectateurs passifs de leurs propres existences. Les prodromes d'une forme de fascisme. Evelyn le crie haut et fort. Elle met ainsi tout en œuvre afin de faire échouer le travail de la famille Parr. Ne pas trop en dire toutefois. Force est cependant de souligner le caractère subtilement situationniste de son propos : elle regrette que l'immense majorité du peuple ait perdu tout pouvoir sur l'emploi de sa vie en s'aliénant dans la société du spectacle diffus (en tant que rapport social entre des personnes, médiatisé par des images), laquelle fait écran. En somme, tout ce qui était vécu directement s'est éloigné dans une représentation. Un concept debordien sujet à caution -les hommes ont-ils jamais vécu quoi que ce soit directement ? Régis Debray ne le pense pas. Passons. De là à envisager que Pixar, un brin vicieux, adresse aussi au passage ce message subversif à ses propres spectateurs rivés dans leur canapé, il y a un pas que ne saurions franchir.

https://imgr.cineserie.com/2017/03/1541250.jpg?imgeng=/f_jpg/cmpr_0/w_198/h_110/m_cropbox&ver=1

 

Difficile alors de réduire Evelyn au seul mauvais rôle de la fiction. Elle incarne également une intellectuelle torturée incapable de cicatriser de vieilles plaies toujours douloureuses. D'où un ressentiment inextinguible qui la pousse vers le côté obscur de la force. Ce qui suscite finalement de la part du spectateur une forme d'indulgence acceptable.

Pour tout dire, l'efficacité de la mise en scène et du montage, la force des dialogues, la qualité des trouvailles visuelles et autres prouesses technologiques, tout comme les présupposés du scénario -en somme la rouerie de l'entertainment américain-, s'échinent en vain à parasiter la protestation erratique mais pertinente de la jeune Evelyn. Une Américaine réfractaire aurait dit notre jeune Président. Génie de Pixar.

of

Les Indestructibles 2" : La famille de super-héros revient dans une  première bande-annonce - Puremedias

Publié dans pickachu

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :