Avatar et la mémoire de l'eau (James Cameron, 2022)

Publié le par O.facquet

Avatar 2 : la voie de l'eau - AlloCiné

à Serge Daney

« Le rôle de la critique est le contraire d'un travail de promotion, il consiste à libérer le cinéma de la machinerie commerciale et publicitaire purement circonstancielle pour le rendre à sa valeur artistique. Et cela vaut pour tout film, à égalité, car nous avons toujours su, aux Cahiers, que la volonté d'art ne suffisait pas, et à l'inverse, que la poésie pouvait surgir des œuvres les moins nobles en apparence » écrivent Charlotte Garson, Fernando Ganzo et Marcos Uzal dans le numéro 793 de décembre 2022 des Cahiers du Cinéma.

 

Abandonnons-nous donc à quelques modestes réflexions sur la suite d'un des films les plus populaires de l'histoire du cinéma : Avatar : La voie de l'eau de James Cameron (Terminator, Aliens le Retour, True Lies, Titanic, Avatar), sorti cet automne sur les écrans.

AVATAR : LA VOIE DE L'EAU

Le bateau va couler

Dans le premier épisode (2009) de la franchise Avatar, nous avons découvert que dans le monde extraterrestre luxuriant de Pandora vivent les Na'vi, des êtres en apparence primitifs, si ce n'est qu'ils sont très évolués. Les Terriens viennent envahir l'exolune pour y exploiter un minerai rare susceptible de résoudre la crise énergétique qui sévit sur Terre : l'unobtanium. Le personnage central de l'histoire, Jake Sully, un marine paraplégique doté d'un avatar, va devoir choisir son camp avec pour enjeu le destin de la planète. Il tombe amoureux d'une femme Na'vi. Son camp est vite choisi. Les humains subissent un revers sévère. Les conjoints auront beaucoup d'enfants.

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Neytiri et Jake Sully

Dans le deuxième épisode (2022), le couple a fondé une famille. Et tout ce petit monde s'ébroue dans un univers paradisiaque. Seulement l'espèce humaine est de retour dans les parages, avec une inextinguible soif de revanche, doublée d'un impérialisme désespéré : la Terre est devenue inhabitable. Les humains reviennent en force sur Pandora : leur mission est de préparer une nouvelle Terre dans le but d'accueillir un exode inexorable. Les combats reprennent de plus belle : leur chef n'est autre que le colonel Quaritch -un Terminator ?-, qui avait pris soin de réaliser une sauvegarde de sa mémoire et de sa personnalité après la défaite susmentionnée. La vengeance est un plat qui se déguste froid (passion triste).

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Une adolescente rebelle

Face à la menace venue du ciel, la famille fait le choix de l'exil. Jake se voit contraint de renoncer à son rôle de chef (le mâle commande). Il mène les siens (civilisation patriarcale) jusque chez les Metkayina, un clan Na'vi vivant sur la côte Est de Pandora. La famille s'intègre dans la difficulté à une nouvelle culture : l'accueil est parfois glacial (l'arrivée des réfugiés est compliquée). Leur mixité humaine-Na'vi suscite quelques craintes rapidement surmontées (une peur bleue pour des Metkayina d'abord verts de rage). La suite appartient aux spectateurs.

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Les hommes aux combats

Que nous dit Avatar : la voie de l'eau ? Car le film n'est pas que beau.

Force est en premier lieu de constater que James Cameron est plus à l'aise avec l'eau et le feu que sur terre ou dans les airs. Le titre du film indique la voie à suivre. Rien de bien nouveau (Abyss et Titanic). La première heure est à cet égard fastidieuse. Or, dès l'arrivée de la famille sur la côte Est de Pandora, la magie opère enfin. La mise en scène est plus soignée, le montage efficace, les effets spéciaux inventifs, et les dialogues moins faibles. Ouf ! Il s'agit quand même de tenir plus de trois heures.

Avatar – La voie de l'eau » : l'île aux enfants

La baleine qui parle

Le message n'a pas changé depuis l'épisode précédent : l'espèce humaine fait montre d'une rare violence pour assouvir sa cupidité prédatrice, elle est prête à tout sacrifier pour cela, en particulier les Américains, souvent des brutes épaisses ; les êtres extraterrestres, quant à eux, vivent en communion avec la faune et la flore, une harmonie fondée sur la complicité, et surtout règlent désormais leurs conflits par la négociation et le dialogue. La guerre est finie. Un respect mutuel élargi à l'ensemble de la création. Amen. Précisions ici que le film suscite toutefois bien des controverses, en particulier au sein de la communauté amérindienne des États-Unis d'Amérique.

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Le colonel Miles Quaricht

Le cinéaste tient à donner des gages à la doxa du moment : rien d'autre qu'une réassurance spirituelle pour combler le vide vertigineux de l'ultra moderne solitude. Égaré, l'individu contemporain exige un nouveau mythe fondateur, et il est bien cohérent qu'il ait à son tour quelque chose à voir avec l'eau. Jusqu'au ventre de la baleine, comme régression foetale. Le film apporte à sa façon quelques réponses métaphysique à des questions essentielles. Ainsi, il faut sans doute que l'Homme se redise à lui-même à quelles conditions il y a de l'humain et du non-humain, par exemple. La question de savoir si nous sommes les enfants de nos parents ou des baleines est tout à fait sérieuse. C'est une question mythologique. Nous nous réveillons au matin d'un monde où il faut certainement avoir derechef de la mythologie -sans bigoterie, et là ce n'est pas gagné. Avatar fait écho à cette quête angoissée : des mythes sont en train de se rabibocher, de vrais mythes, cosmogoniques, comme dans les sociétés primitives.

Avatar 2 : la voie de l'eau », un océan de beauté

Les poissons

Le premier mythe réactualisé, c'est bien sûr la mythologie vitaliste, terrienne, qui a déjà pas mal de fois servi dans l'Histoire. C'est du fond de l'océan que surgit une nouvelle fois le maillon manquant. Il est l'exact contemporain du vitalisme écologique du moment. James Cameron est un roublard : la fondation mythologique nécessite un effet de profondeur. Un fond matriciel et purificateur. La voie de l'eau : il s'y trouve comme chez lui.

L'idéal écologiste de ce versant-là a déjà fait un tour de piste dans l'histoire récente. Un autre versant en a fait raisonnablement l'inventaire. Passons.

Précisons que la famille comme forteresse obsidionale est à l'honneur dans le nouvel Avatar. Un truc très américain. Une famille patriarcale où le père se doit de la protéger de tous les dangers. Bon.

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The whole family

Dans sa forme Avatar : la voie de l'eau est également un film somme où tous les genres sont convoqués : la science-fiction (Star Wars : un Je suis ton père omniprésent, Sigourney Weaver et Alien), le film de guerre (le Vietnam ?), l'anticipation (avenir inquiétant), le film engagé, voire militant (protéger la planète), le merveilleux (son emploi est féerique, vraiment), la fable écologique (Gaïa notre mère), le documentaire animalier (les poissons sont à l'honneur), le film catastrophe (le bateau coule, le fantôme de Jack Dawson, et Kate Winslet, inoubliable Rose, joue Ronal), le reportage en eau profonde (en apnée, la faune y est magnifiée), le film d'horreur (un bras coupé dans les airs), le western (le duel final, la chasse aux bisons/baleines, entre autres), le roman d'apprentissage familial (passage de témoin générationnel), un film dramatique (la mort d'un fils), ou le thriller (vont-ils s'en sortir ?), et la liste n'est pas exhaustive. Sans oublier ce beau portait d'une adolescente qui se cherche.

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La synthèse était casse gueule. James Cameron a réussi son pari. Un mot encore. Si du côté de l'Oedipe, il y a maman et papa au fond de l'océan, tuer le père n'était pas d'actualité, il s'agit en effet de ménager l'avenir : un troisième volet est déjà en gestation.

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Publié dans pickachu

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