Ils en ont parlé (J'Accuse de Roman Polanski). Work in progress.

Publié le par O.facquet

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Les temps sont chahutés : ça morigène alentour, ça tance à tout va, ça moralise nuit et jour, ça vaticine à qui mieux mieux, ça vitupère sévère, la nuance se tient à carreau, donc le dialogue se fait rare : en période de hautes eaux idéologiques, la radicalité est tendance ; elle mène le bal. Dans l'adversité rageuse : le court terme l'emporte toujours sur le temps long. C'est pourtant à la fin du comice qu'on compte les bouses. Et ce ne sont pas paradoxalement les caractères les plus trempés qui donnent de la voix : une voix parfois tyrannique. Innombrables surprises. Passons. Sur quel versant attaquer la montagne Polanski, tant l'escalade paraît casse-gueule ? L'éternelle balançoire sur l'oeuvre et l'artiste qu'il faut ou non confondre a fait couler de l'encre, agite encore les auteurs de tapuscrits d'inégales valeurs, intriguera toujours demain à coup sûr.

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Alfred Dreyfus (Louis Garrel)

Les précautions oratoires d'usage ne trouveront pas leur place ici. Les procureurs en seront fort marri. Si l'homme Polanski aurait dû répondre de ses actes devant la justice des hommes, contentons-nous de dire deux ou trois mots sur J'accuse, son dernier film (2019), puisqu'il existe, et qu'il va continuer à faire son chemin. Procureur est une noble et louable profession. Ce n'est pas la nôtre.

Adèle Haenel se casse, Jean Dujardin menace de se casser -des carrières brisées ?-, Florence Foresti ne revient pas (n'en revient pas?), quant aux curieux : ils se cassent les dents quand il s'agit de savoir si le film de Polanski en tant qu'oeuvre vaut ou non le détour. Un jour plus ou moins lointain, le film se présentera aux yeux de spectateurs qui ne sauront rien ou pas grand chose du contexte dans lequel s'est déroulée sa sortie. C'est pourquoi y jeter un œil naïf et averti ne relève pas d'une vaine provocation puérile. Commençons le travail.

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Roman Polanski et Jean Dujardin (Picquart)

L'Affaire Dreyfus (1894-1906), parfois simplement appelée L'Affaire, est un conflit social et politique majeur de la Troisième République, survenu en France à la fin du XIX°siècle, après l'accusation de trahison faite au capitaine Dreyfus -lequel est juif. Il est finalement innocenté. Le conflit va déchirer violemment la société française, diviser le monde des arts, celui des lettres et des sciences (d'où la naissance des « intellectuels »), comme la classe politique (la gauche ne fut pas toujours dreyfusarde/la droite ne fut pas uniformément antidreyfusarde) ; il va provoquer un déchaînement antisémite inédit (Zola et son "Pour les Juifs" dans le Figaro en 1896), enflammer la presse (le « J'accuse » du même en 1898), et avoir des répercutions partout en Europe (le sionisme, entre autres). Le film accompagne les efforts du commandant Marie-Georges Picquart qui s'efforce de prouver que le véritable espion pour l'Allemagne n'est pas Dreyfus mais le commandant Ferdinand Walsin Esterhazy, ce que sait son adjoint Hubert Henry.

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Alors J'Accuse : un bon film, un très bon film ? Disons que Polanski évite un écueil de taille, ce n'était pas gagné au regard de ce que révélait du film sa bande annonce, outre une lumière blafarde qui n'augurait rien de bon, rien d'autre qu'une forme aiguë d'académisme où rien ne respire plus dans et entre les images, un travail de bon élève appliqué, par trop ampoulé et sournoisement prétentieux, soucieux de bien faire pour complaire à l'institution. Ce n'est pas le cas. Les figures imposées (les célèbres tirades et autres épisodes incontournables) sont prestement expédiées, partant le détail en sort grandi (seconds couteaux mis en avant, séquences côté cour et côté jardin traitées à égalité). Heureuses résolutions de mise en scène. Le film aurait pu également se perdre dans le piège du tourisme culturel historique filmé, dont le Amadeus (1984) de Milos Forman fut le prototype (rarement égalé). Surtout Dujardin ne fait pas du Dujardin, même si la tentation affleure parfois (c'est jouissif !), ce qui n'est pas la moindre réussite du film. Une remarquable direction d'acteurs impressionne (Emmanuel Seigner, Jeanne Rosa, Louis Garrel, Grégory Gadebois, Mathieur Amalric, Melvil Poupaud, Eric Ruf, Laurent Stocker, Vincent Perez, Michel Vuillermoz, Vincent Grass, Denis Podalydès, et la liste n'est pas exhaustive). Du beau monde, non ?

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Alfred Dreyfus (le procès)

Un petit quelque chose grippe toutefois la machine, empêchant J'Accuse d'être le grand film que fut Le Pianiste en 2002. Il lui manque ce petit grain de folie sans doute, peut-être quelques prises de risque également, comme l'envie irrépressible de sortir des sentiers battus, surprendre ainsi le spectateur toujours/déjà trop à l'aise dans le cours du récit (suspendre ce dernier), semblable à celui ou celle qui lirait une énième fois un ouvrage prisé, et découvrirait ému au détour d'une page une lettre d'amour inconnue, glissée là sciemment ou par inadvertance. Ces moments d'égarement sont attendus. Ils ne viendront pas. Le montage, effrontément balisé, y est pour quelque chose. Enfin, ne disons rien ou presque de l'utilisation maladroite du numérique : les rues de Paris de la Belle époque lourdement recrées au mitan du film.

 

D'où une frustration agacée au sortir de la projection, avec l'idée tenace que le cinéaste n'est pas passé très loin de la perfection, si elle existe.

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Publié dans pickachu

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