Maison ! Wall-E ou l'art de s'envoyer en l'air

Publié le par O.facquet

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"Il m'arrive de lire des sciences-fictions ; toujours avec plaisir : elles donnent la mesure exact de la peur que nous avons de nous-même"

Jean-Paul Sartre, Avant-propos, Le Traître, André Gorz, 1964.

 

 

Wall-E est un film d’animation en images de synthèse américain réalisé par Andrew Santon, sorti en 2008. Le neuvième des studios Pixar. Wall-E, qui se place dans le futur, suit l’histoire d’un robot cubique nommé Wall-E (Waste Allocation Load Lifer-Earthclass)., conçu avec une kyrielle d’autres robots similaires pour nettoyer la Terre de ses déchets. Au fil des siècles, il devient le dernier à fonctionner.

A l’orée du XXII° siècle, la compagnie Buy-n-Large monopolise l’économie de la Terre via un trust concernant les biens et les services. Un trust devenu un gouvernement global mondialisé -une dictature totalitaire soft. La surconsommation irréfléchie a transformé le monde en un dépotoir gigantesque ; partant, la société commandite un exode massif à bord d’un vaisseau spatial, dans une ultime tentative pour sauver l’humanité. Des milliers de machines robotiques, les Wall-E, fabriqués par la compagnie, ont pour unique tâche de nettoyer la Terre en compactant sans relâche des monceaux de détritus qui jonchent le sol, durant les cinq années que doit durer l’exode. Beaucoup de robots dysfonctionnent sans explication, et finissent par être entièrement hors-services, poussant l’espèce humaine, qui n’a pas de plan B, à rester dans l’espace.

Sept cents ans plus tard, il ne subsiste qu’un unique Wall-E en état de fonctionnement, concentré sur sa tâche, invariablement.

Un jour, une fusée se pose prés de son champ d’action, y dépose Eve (Extraterrestrial Vegetation Evaluator) dont Wall-E va tomber éperdument amoureux. La mission de la belle sonde robotisée est de rapporter aux humains une preuve de vie sur Terre. Ce qu’elle va s’empresser de faire après que Wall-E lui ait offert une plante trouvée lors de ses expéditions de nettoyage. La fusée qui avait déposé Eve vient la rechercher. Notre robot est du voyage. Ils rejoignent ensemble le vaisseau spatial. Après une série de rebondissements abracadabrantesques, les humains flanqués de quelques robots parviennent à regagner la Terre, la recolonisent, y font pousser toutes sortes de plantes, une Terre refertilisée. La vie dans sa diversité reprend son cours. Les affaires reprennent.

 

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Somme toute, Wall-E est moins un film militant qu'une oeuvre engagée. Le réalisateur s'est mis au vert, dans son expression la plus apocalyptique, c'est-à-dire millénariste. Nous nous trouvons face à une fable écologique qui laisse voir que les humains devront quitter un jour notre monde pour espérer préserver l'écosystème planétaire. Ce qu'ils font dans le film, laissant aux robots un environnement dégradé par la pollution, entre autres, insupportable pour toute forme de vie. Sans oublier la misère affective des villes de grande solitude, à travers les pérégrinations laborieuses et solitaires de Wall-E. 

Le film explore toutefois d'autres aspects. Au sein du vaisseau spatial l'homme n'a plus de chez lui. Il n'était déjà plus chez lui dans le monde terrestre qu'il a fui. Il vit désormais dans un monde qui lui est aliéné. Ce qu'il reste de l'humanité mène ici en effet une vie assistée en permanence par la technologie. De par leur totale passivité doublée d'une complète dépendance envers les machines, les humains, devenus obèses, ont perdu l'usage de leurs jambes atrophiées : ils se déplacent sur des fauteuils volants (une forme de désincorporation ?). L'oisiveté les a rendus incapables de se passer de la technologie. Comme toujours c'est une domination par des outils conçus par les hommes pour fonctionner comme moyen de domination. La technique est un moyen de domination. Il a échappé depuis des siècles à ses concepteurs, stipendiés par le le monopole-oligopole Buy-n-Large et son président-directeur général : Shelby Forthright, lequel ressemble étrangement à un président des États-Unis d'Amérique en conférence de presse.

 

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Produit de la science et du capital mathématisé, l'homme est devenu presque obsolète. Il vit dans un monde pour lequel il n'est pas fait et qui n'est pas fait pour lui. Pour qu'il soit de nouveau en syntonie, il faut changer l'homme afin qu'il soit enfin capable d'assumer ce monde qu'il lui a été imposé sans violence physique comme une réalité étrangère. Il évolue dans le meilleur des mondes possibles, un monde sans aspérité, où un assistanat ludique a transformé l'être humain en touriste décérébré, un jouisseur sans conscience, or l'homme est pourtant à la fois un être de raison et de croyance. Au sens métaphorique, après une conspiration, les machines ont pris le pouvoir. L'homme va devoir lutter (soutenu par des robots dissidents) pour reprendre le pouvoir aux robots. C'était déjà le cas dans 2001 L'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick en 1968 : Hal était le premier ordinateur à mourir à l'écran. Dans Wall-E c'est le pilote automatique Auto -avec un œil unique rouge comme Hal-, qui est neutralisé afin que l'espèce humaine recouvre la liberté, donc son autonomie : les humais retrouvent la marche bipède (le film utilise également comme 2001, Le Beau Danube bleu et Ainsi parlait Zarathoustra des Strauss). Glaçant. Sur Terre, ce mode de vie s'est montré funeste. Dans l'espace rien n'a été laissé au hasard. La technosphère est implacable. Le projet de la science a toujours été d'abolir la nature, le projet du capital également. Mission accomplie dans Wall-E. Toute ressemblance avec des événement passés ou récents ne serait-elle que fortuite ? Pas sûr. Wall-E est le premier long métrage d’animation de Pixar à contenir des scènes de prises de vues réelles. Ce n’est pas par hasard.

Le film vaut moins pour ce qu'il dit (déjà dit ailleurs) que pour la façon dont il le dit -comme toujours. Les paysages désolés des premières minutes du film sont sidérants -aucun dialogue pendant de très longues minutes. Un New York déserté (Wall-E conserve dans son antre la main tenant la flamme de la Statue de la Liberté, un clin d'oeil à La planète des Singes ?), pas une âme qui vive (hormis un cafard roublard, prénommé Hal...), l'aridité sévit, un paysage urbain balayé par un vent mauvais, des éoliennes et des centrales nucléaires continuent d'alimenter en électricité des gratte-ciel interlopes qui côtoient des montagnes de déchets, le tout noyé dans une atmosphère orangé, sous un ciel obscurci par des nuages de poussière. La nuit, parfois, des étoiles apparaissent, et Wall-E les contemple, en attendant : allez savoir qui, allez savoir quoi.

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Si les humains se robotisent, les robots, quant à eux, s'humanisent. Bel anthropomorphisme, risqué pourtant. D'une poésie imparable. On adopte d'emblée Wall-E, avec sa naïveté, ses maladresses, sa gentillesse, son entêtement, sa tendresse également. Une crédibilité qui sonne juste, ce n'était pas gagné. Wall-E et Eve s'embrassent, deux pils électriques, un vrai coup de foudre (et de force). Les parades amoureuses intersidérales de nos deux robots étreints par l'émotion sont à chaque vision des enchantements. Justesse de la mise en scène et du dessin, habilité du montage : de l'orfèvrerie cinématographique.

Andrew Santon réussit le tour de force de recréer des expressions faciales humaines sur le visage de robots a priori inexpressif, telles que le désappointement, la tristesse, la colère ou la joie, entre autres. Une sensibilité artificielle aussi déstabilisante qu'émouvante. On ne s'en remettra pas, et c'est tant mieux.

D’autre part, Wall-E est parsemé de traits d’humour (notre robot trouve un bijou caché dans son écrin, il jette la bague et conserve l’écrin), lui permettant d’échapper à une forme de gravité sentencieuse : ce qui déjà n’est pas rien.

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Publié dans pickachu

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