Pour le pire et le meilleur

Publié le par O.facquet

 Comme les autres - film 2008 - AlloCiné

      Il est vrai : ma raison me le dit chaque jour ;

     Mais la raison n'est pas ce qui règle l'amour

                                      Molière     

 

Comme les autres (2008) est le premier long métrage de Vincent Garenq, réalisateur de quelques épisodes d’une série TV oubliable diffusée sur TF1 dans les années 1990 et 2000, Sous le soleil. Nous nous en tiendrons plus bas à la version sortie en salle en septembre 2008, qui attira plus de 500 000 spectateurs, le DVD offrant depuis une fin alternative réalisée par le cinéaste. Le sujet : l’homoparentalité en France,  un choix casse gueule, ô combien risqué, en particulier au regard du parcours de Vincent Garenq. Le film à thèse bien pensant était à craindre, le pensum militant donneur de leçon et moralisant redouté et redoutable. Eh bien, pas du tout, voyons voir. Le synopsis : Emmanuel (Lambert Wilson), bobo humaniste pédiatre et homosexuel file le parfait amour avec un avocat, Philippe (Pascal Elbé), bobo hédoniste, un rien immature, plus proche de Frijid Barjot que du président d’Act up. Deux quadras équilibrés, bien dans leurs pompes, aisés, et intégrés. Il y a pourtant un hic dans ce tableau idyllique. Manu est taraudé sévèrement par un désir pressant de paternité, non partagé, loin s’en faut, par Philippe, convaincu que l’homoparentalité masculine est contre nature. Rien de moins. Du Boutin tout craché. Manu fait une offre à sa meilleure amie Cathy (Anne Brochet), copine de fac, médecin elle aussi de son état, célibataire, la quarantaine, belle femme, sans enfant et malheureuse (ce qui n’est pas toujours lié) : elle portera leur enfant puisque l’adoption leur est refusée (patience, les temps changent). Elle pète les plombs, décline vertement la proposition, quant à Philippe, mis au parfum, dépassé par les événements, il part vivre sa vie ailleurs.

 

Comme les autres

 

 

Manu retrouve Fina (la craquante madrilène Pilar Lopez de Ayala, ci-dessus), une belle et jolie designer argentine trentenaire en situation irrégulière sur le territoire national. Ils se rencontrés, plus précisément croisés, un soir de Noël lors d’un accident de voiture sans importance. Il fait la même proposition à la jeune femme qui accepte en échange d’un mariage blanc pour qu’elle puisse rester en France. Comme les autres est plus subtil que ne l’ont laissé entendre à sa sortie bien des critiques et nombre de spectateurs déçus. Sans être le chef-d’œuvre du siècle, le film est le fruit d’un travail honnête, celui d’un artisan conscient de ses limites et des pièges qui l’attendaient. Les personnages sont dans l’ensemble gentils et compréhensifs, ce qui peut, il est vrai, susciter quelques doutes quant à leur crédibilité. Soit. N’empêche ! Trop méchants et agressifs, ils auraient à coup sûr suscité les mêmes sarcasmes. Vincent Garenq n’a pas cherché à victimiser le couple, ni à charger démesurément ceux qui ont hérité du mauvais rôle (l’assistante sociale, la sœur dubitative, l’excellente Florence Darel). Un juste milieu, un équilibre bienvenu, une sobriété assumée qui n’enlèvent rien au propos posément engagé de Comme les autres. Un mot encore. Fina tombe amoureuse de Manu. Le jeu se complique (d'autant que Philippe est le géniteur, Emmanuel étant stérile). La machine se grippe. Elle accouche d’une petite fille. Le couple sur le fil s’est reformé, Emmanuel et Philippe deviennent parents. Il faut voir la souffrance infinie de Fina à la maternité lorsqu’elle réalise que cet enfant ne sera pas le sien, qu’elle ne le verra jamais grandir. Il est déjà dans d’autres bras. La détresse insondable de son regard en dit long. A ce moment-là le film bascule. Une gravité inconnue jusque-là s’impose sans coup férir. Sa douleur devient nôtre, son chagrin itou. Voici pourquoi Comme les autres sonne juste. Nous ne sommes plus soudain dans l’illustratif supportable. Nous perdons le nord, le cœur s’emballe, les repères deviennent flous, les certitudes vacillent. Maudits artistes. Chacun à ses raisons. Son parcours. Voyez aussi cette terrible scène : Cathy invite à dîner les deux papas pendus toute la soirée au téléphone avec la baby-sitter, étreints par l’inquiétude, incapables de s’oublier, interdits, bourrelés de remords tout à coup devant leur hôte effondrée, en larmes, dévastée par la déception et la jalousie, méchante de solitude. Il est insupportable de la voir ainsi gouvernée par la méchanceté.

Une fois le tout digéré, on se dit qu’il va être grand temps que la législation évolue, entre autres choses. Vincent Garenq a gagné son pari. L’art n’est pas un tract militant, mais il a voix au chapitre, à sa façon. Avec modestie et humilité Comme les autres a fait le job. Le film, en outre, est drôle, parfois même très drôle (le mariage, l'accident). Du statut de téléfilm acceptable, il a su in extremis trouver sa place sur le grand écran, et dire deux ou trois choses au passage qui ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Voire de plusieurs. Salut et fraternité.

 of

Comme les autres (2007) - uniFrance Films

 

Publié dans pickachu

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article